Résumé
L'aventure d'une femme, Kiki, la soixantaine rayonnante, qui va, grâce à la musique, changer sa vie ainsi que celle de ses trois amies. Une fable sur la jeunesse perdue, les émotions refoulées, les secrets invisibles.
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Critiques
Le Parisien - « Le double triomphe d'Eric-Emmanuel Schmitt »
On connaissait Kiki Picasso, muse des peintres de Montparnasse, voici Kiki van Beethoven, personnage de fiction, héroïne de la nouvelle pièce de théâtre d’Eric-Emmanuel Schmitt. Jouée par Danièle Lebrun, seule en scène au Théâtre La Bruyère*, elle raconte comment la musique de Beethoven va changer la vie de la sexagénaire Kiki et de ses trois amies, chacune aux prises avec leurs blessures intimes.
Il ne fait aucun doute que le spectacle sera un succès. Car entre le théâtre et le romancier best-seller, c’est une histoire d’amour qui dure depuis 1991, date de la représentation, à Nantes, de « la Nuit de Valognes », sa toute première pièce. Deux ans plus tard, son « Visiteur » recevait le Molière du meilleur auteur. En 2001, l’Académie française décernait à cet agrégé de philo né en 1960 à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), par ailleurs également réalisateur (« Oscar et la Dame rose », avec Michèle Laroque, « Odette Toulemonde », avec Catherine Frot), son grand prix du théâtre pour l’ensemble de son œuvre.
Alain Delon, Jean-Paul Belmondo…
Car il s’agit bien d’une œuvre. Schmitt a signé plus d’une dizaine de pièces parmi lesquelles « Variations énigmatiques », jouée par Alain Delon, « Frédérick ou le Boulevard du crime », avec Jean-Paul Belmondo, « Ibrahim et les fleurs du coran » ou encore « Tectonique des sentiments »… Que des triomphes. Il est à ce jour l’auteur contemporain le plus joué en France et dans le monde. « Il sait que le théâtre est à la fois fait pour déranger et apprivoiser », observe Daniel Dares, directeur du Théâtre Antoine où se fit la première lecture de « la Nuit de Valognes ». « Les personnages qu’il crée ont une dimension qui va au-delà du quotidien et parlent au cœur des gens », s’enthousiasme son agent Jean-Marc Ghanassia, qui produisit « Variations énigmatiques ».
Mais tout grand homme a ses maîtres. L’un d’eux s’appelle Ludwig van Beethoven. Dans son dernier livre, un essai intime et vivifiant, « Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent », enrichi d’un CD et du texte de la pièce, Schmitt dit comment l’auteur de « l’Hymne à la joie » l’a aidé à aller, quoi qu’il advienne, tête haute et de l’avant. La clé du succès ?
Pierre Vavasseur
Le Journal du Dimanche - « Une Kiki allegro »
Ses livres se classent parmi les meilleures ventes et sont traduits dans 43 langues. Ses pièces connaissent le même succès. Trois molières ont salué en 1993 son entrée dans le monde du théâtre. Eric-Emmanuel Schmitt est aujourd’hui l’auteur français le plus joué à l’étranger, devant Molière et Feydeau. L’ogre, dont il possède la carrure, a la cinquantaine sereine et bienveillante. Il n’en finit pas d’aborder avec bonheur les formes artistiques les plus diverses et les sujets les plus différents. Alors qu’il n’a pas tout à fait terminé un cycle triomphal sur les religions, il en a entamé un second sur la musique. Après Mozart, voici Beethoven. D’abord, au Théâtre La Bruyère, où Danièle Lebrun seule en scène interprète Kiki van Beethoven. Puis avec un livre, Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent… (*)
Sur les planches, son Beethoven se révèle « maître de vie, guérisseur des âmes ». Kiki est une sexagénaire dont la vie a verrouillé les émotions, comme celles de trois de ses copines. Un hasard la met en présence d’un masque du compositeur. Les quatre mamies, en retrouvant leur capacité à écouter sa musique, vont se réconcilier avec elles-mêmes. « Beethoven, c’est la célébration de la joie. Il a eu une vie pourrie, sourd à 27 ans, coupé de la vie sociale, de ses amis, de son amour, auquel il n’a pas voulu imposer son infirmité mais il a laissé un extraordinaire Hymne à la joie… Jubiler de ce qui est, même si c’est peu, plutôt que regretter ce qu’on n’a pas. »
Un écrivain passionné par la scène
Après avoir écrit Kiki, Eric- Emmanuel Schmitt, qui tient un journal, s’est interrogé « pour savoir ce qu’il avait voulu vraiment dire ». D’où cet ouvrage qui traite de la formidable énergie dégagée par la musique du compositeur en contraste avec les postures des « crétins » de toute obédience. Un cheminement qui résume la trajectoire de l’auteur qui voue depuis l’enfance une passion à la scène. « Ses contraintes m’ont épanoui avec ses limitations dans le temps, le nombre réduit de personnages… Au contraire, le roman offre une liberté si grande que ça paraît vertigineux. » Le thème de la pièce, il l’a trouvé en poussant par hasard la porte d’un musée danois qui exposait des bustes et masques de Beethoven. « Une trappe s’est ouverte. J’ai imaginé cette pièce qui racontait comment on peut se couper de ses affects, de son passé, comment par volonté de contrôle de soi absolu, on peut passer à côté de sa vie. »
Il en a fait une comédie monologue et a chargé Danièle Lebrun de la jouer, car l’actrice était déjà de la distribution de La Nuit de Valognes, il y a vingt ans. « Elle est drôle, d’une grande élégance : un joyau de pudeur et de féminité. Cette fois, elle porte le texte toute seule, elle fait tous les personnages. » Le théâtre du dramaturge se rapproche ici encore plus de l’univers des contes. Pour Eric-Emmanuel Schmitt : « Beethoven incite à travailler la fraîcheur en soi. A vivre chaque jour comme si c’était la première fois. Cette vraie philosophie de vie, j’y crois, et en tout cas, je l’exerce. »
Jean-Luc Bertet
Lemost.fr - « Danièle Lebrun l'emporte! »
A 100 à l'heure elle refait le monde. Chaque aprem' Kiki, que seul son « stupide frêre » appelle encore Marie-Christine, s'échappe de sa maison de retraite pour expérimenter la ville et à l'heure du thé, multiplier les commérages « entre copines ».
L'heure est grave, elle n'entend plus... Accompagnée de Ralph, son fidèle lecteur de CD des 80's, sous le regard accusateur d'un masque de Beethoven, de métros en bancs publics et d'Aushwitz à Compostelle, la vielle dame aux yeux trop bleux partira à la recherche des symphonies de son enfance.
Ovation pour Danièle Lebrun, qui seule en scène réalise une performance. Qu'elle endosse les rôles de Zoé la naïve, Candy la barbie ou Rachel la snob, qu'elle mime le jargon de Boubacar « son pote » de 15 ans ou encore la tristesse de sa belle-fille Eleonore... Dans le manteau de Kiki, Danièle Lebrun fait trembler les planches du Théâtre La Bruyère. Parce qu'elle à le verbe fort, l'émotion juste. La mise en scène de Christophe Lidon reste fidèle au livre Quand je pense que Beethoven est mort d'Eric-Emmanuel Schmitt.
Le décor épuré change de couleur mille fois, accompagnant à merveille les aléas des humeurs d'une femme blasée, aigrie d'angoisses, déliceusement cynique, souvent en colère car toujours à fleur de peau.
Une femme qui cherche son épitaphe. En humour, il y a des contrées que seule la vieillesse explore. La malice comme arme, du rire aux larmes, Danièle Lebrun nous transporte, s'emporte, et l'emporte!
Qui sait, peut-être en rentrant, nous surprendrions-nous à glisser dans le lecteur CD notre madeleine de Proust, qu'il s'agisse des sonates de Beethoven, du Boléro de Ravel, de Supertramp, de Gershwing... Et fermer les yeux.
C'est vrai, le bonheur a une musique.
Notre Scène - « Bas les masques »
La scène est nue. Trône à l’arrière-scène le masque de Beethoven, un masque blanc imposant avec à son pied un drap blanc jeté. Les lumières et le talent de Danièle Lebrun accompagné d’un texte de toute beauté font le reste. Car c’est un monologue de toute beauté, un équilibre exigeant entre un texte riche et un jeu superbe porté par le talent de Danièle Lebrun dans lequel la voix de la comédienne devient une sorte d’aiguillon alternant différents timbres. Elle est une voix de jeune, de vieille, de banlieusarde, une voix qui voyage dans les époques, dans les méandres de l’existence, taquinant la jeunesse, interpellant Beethoven, mimant les époques.
C’est aussi une épopée théâtrale à travers les époques ou les passions. On retrouve Auschwitz avec son horreur, la banlieue avec ses jeunes et Beethoven, à la fois éternel et d’une autre époque. On retrouve aussi le rap avec le classique, l’amour avec l’horreur, la musique avec la barbarie, la jeunesse avec la génération des grands-parents incarnée superbement par Danièle Lebrun, encore espiègle et vive.
Les thèmes traités par Schmitt sont de plusieurs ordres mais une question lancinante revient à la fin de ce spectacle qui est le temps et sa déliquescence face à la création. Le classique a-t-il disparu de notre quotidien, du quotidien de la jeunesse ? Est-ce la défaite de la pensée ?
La pièce est drôle, fine, vive, acérée. Le style de l’auteur est puissant par le sens du dialogue et la composition du monologue qui alterne différents moments forts ne laissant aucune prise à une quelconque monotonie. L’auteur s’arme d’humour généreusement servi par Danièle Lebrun qui de façon talentueuse arrive à alterner différents personnages. L’humour guette à chaque réplique, l’intelligence à chaque parole pour traiter de sujets aussi profonds que le pouvoir de l’Art face à la barbarie ou la place de l’Art aujourd’hui dans notre quotidien. La plume toujours alerte de Schmitt charrie un style aux tournures de phrases bien agencées, élégant, beau, ample, nourri et qui ligote dans son terroir le style académique contemporain théâtral qui parfois déserte la Beauté pour faire un pacte avec la seule concision.
Le thème principal de la pièce reste toutefois l’Amour. L’Amour de Beethoven, l’amour de la musique classique, l’amour de la culture que l’auteur, par le talent de Danièle Lebrun se plait à rendre hommage pour faire taire l’inertie de notre mode de vie face à celle-ci.
La musique de Beethoven est présente tout au long de la pièce mais sans être omniprésente. Elle intervient de façon brève. La cinquième et la neuvième symphonie nous accompagnent avec un clin d’œil à la Pathétique donnant ainsi un souffle à la pièce permettant au jeu de Danièle Lebrun d’avoir un reflet musical à ses propos. Les lumières sont une part prépondérante à la mise en scène. Ils accompagnent les propos de Danièle Lebrun. Ils éclairent sa voix dans chacune des scènes, dans chacune de ses interrogations, dans chacune de ses interpellations prêtant ainsi vie et forme à différentes atmosphères.
Le spectacle est de toute beauté avec un texte de grande allure et un jeu de grande valeur.
Safidine Alouache
Le Figaro - « Danièle Lebrun, ma vie avec Beethoven »
Très chic en tunique longue beige sur pantalon marron, collier doré autour du cou, coupe au carré, Danièle Lebrun entre en scène comme une bouffée d'air frais. Sur le plateau, un gigantesque masque de Beethoven. « La soixantaine rayonnante » , elle interprète Marie-Christine, dite Kiki, une retraitée de la résidence des Lilas. Un personnage attachant inspiré du livre d'Eric-Emmanuel Schmitt, Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent. Volubile, Kiki, dont la discrétion n'a jamais été « sa tenue préférée », relate son quotidien avec sa bande de trois amies. Le jour où elle achète dans une brocante un masque du compositeur allemand, disparu en 1827, son existence change. Dirigée par son complice,le metteur en scène Christophe Lidon, Danièle Lebrun interprète plusieurs rôles finement croqués par l'écrivain. Outre son trio de
copines, son frère avocat, « con depuis le premier jour », sa belle-fille, un jeune des cités, Raoul de Gigondas, le seul mâle acceptable de la « maison de vieux » et surnommé « Zéro Faute »...
Musique intérieure.
La comédienne sert avec beaucoup de tendresse et d'humour un texte qui suggère une réflexion sur le sens de la vie, la mort - Kiki et sa troupe font une excursion à Auschwitz - , l'amour filial, la fuite du temps. Écouter Beethoven va aider la retraitée à percevoir sa propre musique intérieure.
NATHALIE SIMON
Paris Match - « Lebrun de Folie »
Eric-Emmanuel Schmitt n'est pas un des auteurs français les plus joués dans le monde pour rien.
N'en déplaise à ses détracteurs, cet homme de plume sait voler haut. Il le prouve une fois de plus avce ce texte brillant dont la légèreté apparente lui sert de lest pour descendre au fond du coeur humain. Drôle, émouvante, rythmée, érudite et sympathiquement vacharde, cette pièce à un personnage est un merveilleux escalier de bois vert qui permet à la grande Danièle Lebrun de monter au sommet de son art. Unique et multiple, elle joue une palette de rôles hilarants, avec une virtuosité digne d'un Caubère. En beaucoup plus jolie... C'est dire la magie de ce spectacle à la mise en scène enlevéé (Christophe Lidon) et à la scénographie enthousiasmante (Catherine Bluwal). Quand à la musique, bien sûr, elle est signée Beethoven...
Alain Spira
Les Echos - « Danièle Lebrun « Appassionata » »
Elle nous fait rire, nous fait pleurer. Joue la sonate et la symphonie. Danièle Lebrun, seule en scène, est fantastique dans la nouvelle pièce d'EricEmmanuel Schmitt : « Kiki van Beethoven » au Théâtre La Bruyère. [...]
Kiki est une dame âgée qui vit dans une résidence pour retraités. Un jour, lors d'une de ses sorties, elle achète un masque de Beethoven. Stupéfaction : quand elle l'observe, elle n'entend rien… Même chose pour ses trois meilleures « copines » - les airs fameux qui leur venaient à l'esprit jadis dès qu'elles passaient devant une « reproduction » du musicien se sont dissoutes dans les arcanes du passé. C'est en réveillant ce passé - douloureux -, en rouvrant leur coeur et leur âme, que les quatre femmes vont réentendre les notes magiques du compositeur, retrouver leur joie de vivre. Schmitt joue les funambules : convoque une « caillera black » qui devient l'ami de Kiki, nous emmène à Auschwitz, puis à Compostelle. Il n'a peur de rien, croit à son histoire et ça passe.
Cela passe d'autant mieux qu'avec Danièle Lebrun, il tient l'interprète idéale - délicieusement caustique et incisive dans les passages comiques, tragique et sobre quand la pièce se fait grave. Artiste virtuose et épanouie, elle transcende le temps, apparaît merveilleusement jeune dans ce rôle de pasionaria « appasionata » - de quoi galvaniser les « seniors » qui jubilent dans la salle. La « touche finale » qui rend ce spectacle si attachant, c'est la mise en scène délicate et sensible de Christophe Lidon - toute en respiration et subtils jeux de lumière. Grande ou petite musique… « Kiki van Beethoven » est un joli moment de théâtre à déguster à l'heure du crépuscule…
Philippe Chevilley
Théâtrorama - « Une ode à la vie »
Magistrale Danièle Lebrun qui incarne quatre rôles dans ce beau théâtre La Bruyère sur un texte tout en finesse d’Eric-Emmanuel Schmitt !
Il est des comédiens auxquels rien ne résiste. Le bottin, même pas mondain, entre les mains, ils vous électriseraient une salle, vous aimanteraient de leur présence, de leur voix, de leur passion scénique, de leur classe. Quand Danièle Lebrun apparaît sur la scène du La Bruyère, cheveux d’un blond germain, un immense buste de Beethoven derrière elle, ce sont deux génies qui semblent vouloir s’affronter. L’imposante et presque effrayante présence du père de l’hymne européen, figé, silencieux, d’un blanc marmoréen se fait-elle juge ou protectrice ? La réponse ne tardera pas à se révéler.
Kiki a la soixantaine. Elle a perdu des êtres chers. Un peu comme tout le monde, au fond. En tombant un jour sur un masque de Beethoven, elle va retrouver goût à la vie et faire partager sa passion naissante pour la musique avec ses trois amies.
De prime abord, le sujet n’engendre pas la gaîté absolue. Certes, les rires ne vont pas se déployer comme pour… disons « L’Extraterrestre » le film de Didier Bourdon où Danielle Lebrun, parodiant notamment De Niro dans « Taxi Driver » réalise un numéro aussi époustouflant que drôle. Nous sommes ici plutôt dans la demi-teinte, dans ces couleurs pastels qu’incarnent si bien la mélancolie, la nostalgie. Mais le tout mâtiné, comme toujours sous la plume d’Eric-Emmanuel Schmitt, de cette tendresse infinie pour l’humain. De son style délié, où fusionnent l’élégance poétique et la fulgurance parfois assassine de la formule (« J’aurais le sens de la famille si ma famille avait un sens »), le dramaturge dépeint un échantillon d’humanité avec cet humanisme qu’on lui connaît. Avec aussi cette aisance à développer des situations à la lisière du surréalisme.
Double musicalité
Ainsi dans « Kiki van Beethoven », cette musique dont on dit qu’elle adoucit les mœurs (proverbe pleinement illustré ici), celle du compositeur, s’accorde-t-elle avec bonheur à celle des mots du dramaturge. En jouant des harmonies mais aussi des ruptures de ton, en confrontant les situations ou les genres (le jeu aussi drôle qu’émouvant de Kiki tentant d’apprivoiser par la musique un « oiseau » sauvage des banlieues perdu dans son rap).
Sous la férule d’un Christophe Lidon plus minimaliste que d’ordinaire (on lui doit récemment « Le Diable rouge » ou encore « La Serva amorosa ») Danièle Lebrun nous fait vivre donc ce personnage-titre mais également tous les autres, créant ainsi dans un processus total d’incarnation au sens le plus pur du terme, un rapprochement absolu et charnel de ces protagonistes. Elle est le lien le plus fort qui soit entre eux puisqu’elle les abrite tous, qu’ils se rejoignent en elle. De sa faconde généreuse, de son métier dont elle connaît les moindres ficelles, même les plus ténues, la comédienne nous offre un grand moment de théâtre, à la fois sensible et drôle, intelligent et porteur d’un vrai message de réconciliation. Avec soi. Avec l’Autre. Avec ceux qui sont et ceux qui furent.
Pariscope - « Kiki Van Beethoven »
Que dire face à l’émotion qui règne dans la salle, si ce n’est que les spectateurs ont été touchés. Un hymne à la joie, à cette joie que l’on ne doit jamais perdre de vue.
M-C.N.
Resmusica - « La musique adoucit les mœurs »
C’est probablement la première fois que Resmusica chronique un pièce de théâtre, sans une once de musique dedans, si ce ne sont les bruits de fond. Mais c’est tout aussi rare qu’une œuvre théâtrale porte le nom d’un compositeur classique, et que le sujet en soit la rédemption par la musique !
Kiki est une vieille dame encore fringante, vivant dans une résidence pour personnes âgées avec ses trois copines. De l’autre côté du parc, se trouve la cité Gagarine, reliquat des barres HLM des années 70, depuis transformée en ghetto. Kiki n’est pas une adorable et fragile ancêtre aux cheveux bleutés, ce n’est pas Tatie Danielle non plus. Grande gueule, casse-pied, misanthrope, lucide et mal embouchée, elle fait partie de ceux qu’on déteste ou qu’on adore au premier coup d’œil, comme le fait Boubakar le rappeur. Malgré les rebuffades, il ne la quittera plus après l’avoir interpellée parce qu’elle écoute quotidiennement l’intégrale des œuvres de Beethoven à fond sur son énorme appareil portable, assise sur un banc au beau milieu du parc.
Pourquoi donc Kiki s’inflige-t-elle une telle épreuve, jour après jour, alors que la musique du grand Ludwig lui donne la nausée ? Tout simplement parce qu’elle a été attirée par un masque de Beethoven qui traînait dans une brocante. Elle s’est souvenue que dans sa jeunesse, ces moulages et ces bustes du compositeur faisaient chanter en elle sa merveilleuse musique. Que s’est-il passé depuis ? Pourquoi n’entend-elle plus cette mélodie en elle ? Le temps qui passe annihile-t-il les êtres au point de ne plus rien pouvoir ressentir ? Ou bien est-ce la peur de se remémorer les blessures les plus brûlantes, et de souffrir à nouveau de leur remembrance ?
C’est le début d’un voyage intime pour chacune des quatre amies, et pour Kiki, la confrontation avec l’inacceptable ultime, le suicide de son enfant, dont elle refuse de parler, de prononcer même le nom, de l’évoquer avec quiconque. La musique l’aidera à faire son deuil, et la paix avec une partie de l’humanité, pas toute, car elle reste quand même une satanée casse-pied !
Si l’on pleure parfois, surtout dans le dernier quart d’heure, il ne faut pas croire qu’il s’agisse d’une pièce tragique. Eric-Emmanuel Schmitt est un dramaturge diabolique, qui, même s’il sait fort bien jouer de la corde lacrymale, a le sens de la demi-teinte, des variations d’ambiance, de la charge féroce, de la formule qui fait mouche, et on rit souvent !
Dans un décor très dépouillé, une chaise, un immense masque de Beethoven en fond de scène, un très intelligent jeu de lumières et quelques bruits de fond, dont bien entendu la musique du grand Ludwig, Danièle Lebrun, époustouflante, tient ce long monologue une heure et demie durant, donnant vie à Kiki, à son frère, à ses copines, à Boubakar. Chapeau bas, madame !
Catherine Scholler
La Libre Belgique - « Musique et sentiments »
J’ai la nostalgie du musicien que je ne serai pas", confie volontiers l’auteur de "Kiki van Beethoven", qui a longtemps balancé entre les notes et les mots. Reste que, le choix fait, celles-là habitent ceux-ci. Et ce nouveau spectacle tiré de l’œuvre d’Eric-Emmanuel Schmitt en est une preuve supplémentaire. Seule en scène, une dame, la soixantaine bien entamée mais très enjouée, la mise colorée, jusqu’aux cheveux. Nicole Valberg donne à cette Kiki tout le pétillant d’une existence qui, de ses habitudes, a réussi à faire des plaisirs. Et semble s’être affranchie du pire. Avec ses trois copines Rachel, Zoé et Candy - savoureusement croquées par la plume de l’auteur certes, mais aussi le talent de l’actrice qui d’une attitude ou une intonation évoque la snob pincée, la boulotte au grand cœur ou la séductrice bronzée toute l’année -, Kiki prend le thé et fait des excursions. C’est à ses amies en priorité qu’elle révèle le masque de Beethoven dégoté, par hasard et pour trois fois rien, sur une brocante. Mais aucun son, nulle musique n’en émane plus aujourd’hui, comme si la magie des jours heureux et insouciants s’était évaporée. Commence alors une quête qui mènera Kiki sur des chemins qu’elle avait à toute force tenté d’effacer, vers des souvenirs douloureux et enfouis. Et vers une forme de rédemption, de réconciliation avec l’autre, avec soi, avec l’absent, aussi. A la mise en scène, Daniela Bisconti (qui avait déjà signé celle d’"Oscar et la dame rose") cultive la légèreté de l’atmosphère sans contourner la gravité des thèmes lorsqu’ils surgissent. Le tout dans une scénographie quasiment circulaire, à degrés, sobre, presque abstraite et pourtant très évocatrice - signée Alain Wathieu. Kiki fait l’acquisition d’une de ces grosses machines portatives qui lui permettent d’emmener avec elle Beethoven et toute sa puissance. Ainsi, rencontrera-t-elle Boubakar, dans un échange d’abord tendu, l’ado et la retraitée restant chacun sur ses gardes, ensuite progressivement cordial. Car si la musique peut faire office de barrière, comme c’est apparemment le cas entre classicisme romantique et hip hop, elle se révèle un liant exceptionnel. Voire aussi un révélateur, dans certains cas. Ce n’est sans doute pas un hasard si Eric-Emmanuel Schmitt avoue que le compositeur qui lui correspond le plus est Beethoven. Le sentiment, chez l’un comme chez l’autre, nourrit la création. Avec un sens de l’harmonie et du grandiose qui fait que, tout en paraissant évident, le propos éclate tout à coup sous la formule. Sans oublier un certain sens du pathétique. Un théâtre qui, même s’il prend soin de bousculer un peu le spectateur, reste soigneusement confortable.
Marie Baudet
Au théâtre
Allemagne : Kiki Van Beethoven
Münster, Wolgang Borchert Theater, 2010
Belgique: Kiki Van Beethoven
Bruxelles, Théâtre Le Public, 2011 et tournée nationale
Bulgarie: Kiki Van Beethoven
Sofia, Théâtre 199, 2011
France : Kiki Van Beethoven
Paris, Théâtre La Bruyère, 2010
Roumanie: Kiki Van Beethoven
Bucarest, Théâtre Muzeul National “George Enescu”, 2011