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Madame Pylinska et le secret de Chopin Le visiteur
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Résumé

« La Callas ? Vous verrez : bientôt plus personne ne se souviendra d’elle... »

Qui parle ? Une certaine Carlotta Berlumi. Le nom de cette mystérieuse vieille dame n’évoque rien à personne, pourtant elle soutient mordicus qu’elle connut son heure de gloire à la Scala et fut la plus grande rivale de Maria Callas. À l’entendre, la cantatrice grecque parvint, à force de manœuvres et de combines, à la jeter aux oubliettes, mais elle lui rendit la monnaie de sa pièce en précipitant sa chute. 

Carlotta prend-elle ses désirs pour des réalités ? A-t-elle trouvé en Callas le bouc émissaire de ses échecs, l’explication magique de ses déboires et de ses frustrations ?

A travers ce cocasse et inoubliable personnage, Éric-Emmanuel Schmitt brosse, avec un humour et une malice incomparables, le portrait en creux d’une Maria Callas méconnue. Et nous convie, en expert de la musique et des méandres de l’âme, dans les coulisses clandestines de l’opéra et du cœur humain.

Critiques

France Info - « Éric-Emmanuel Schmitt plonge dans l’univers de La Callas »

Éric-Emmanuel Schmitt est un amoureux des mots, de la vie, un raconteur et même un faiseur d'histoires. Sa plume, ses réalisations se sont imposées rapidement dans le paysage littéraire, cinématographique et théâtral, avec à la clé de nombreux prix et des Molière. Ses livres comme La part de l'autre (2001), Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran (2001), Oscar et la Dame rose (2002) ou encore L'enfant de Noé (2004), cette immense déclaration d'amour à votre mère, Journal d'un amour perdu (2019), ont su toucher, convaincre, accompagner.

Après une saga sur l'humanité en huit volumes, soit 5000 pages, "La traversée des temps" en 2021, Éric-Emmanuel Schmitt publie, jeudi 28 septembre 2023, La Rivale, aux éditions Albin Michel. Il s'agit d'un hommage personnel qu'il souhaitait rendre à Maria Callas et à l'esprit de la Scala, ce théâtre habité par le souvenir de la cantatrice et par un public à la fois chevronné et érudit.

 

Franceinfo : La Rivale est un hommage, construit comme un témoignage, raconté à travers l'histoire triste d'une mystérieuse vieille dame, Carlotta Berlumi, qui se définit comme ancienne grande rivale de la cantatrice grecque. On mesure comme il a été difficile de lutter contre la Callas. Le 2 décembre prochain, Maria Callas aurait eu 100 ans et pourtant, elle semble toujours être bien présente.

 

Éric-Emmanuel Schmitt : Oui, c'est définitivement une légende, sinon un mythe. Elle a été celle qui représentait mieux que personne les héroïnes des opéras, mais elle était elle-même un personnage d'opéra, c'est-à-dire avec une dimension tragique. C'est quelqu'un qui part de loin, de la misère. Elle conquiert le public par sa voix. Mais le temps la rattrape plus vite que les autres, à un âge où une cantatrice, normalement, est au sommet de sa gloire, elle, elle a des problèmes vocaux. Elle disparaît et elle va mourir seule, dans une tristesse extrême à Paris. Donc elle ressemble aux héroïnes qu'elle a incarné. Je voulais raconter Callas en creux. J'ai voulu partir d'un personnage confronté à ce phénomène du siècle, "Callas", puisqu'elle chante en même temps que Callas. Décrire Callas à travers quelqu'un qui la déteste et qui ne comprend pas du tout ce dont il s'agit. Elle dit : "Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Cette femme qui se traîne par terre parce que son amant est parti, qui meurt et qui fait pleurer toute la salle." Elle ne comprend pas finalement à quel point l'opéra est un art qui monte haut quand il est totalement assumé par les gens qui le font.

 

Ce qu'on comprend surtout, c'est la place des cantatrices et ce qu'elles vivent. On se rend compte à quel point les rôles qu'elle incarne sur scène ne peuvent que les abîmer à terme.

 

Mais effectivement, si on a une âme artiste, ses rôles sont dévorants. Callas a interprété des sacrifiées. Quasiment tous ses personnages mourraient sur scène. Elle a répété sa mort toute sa vie.

 

Dans vos œuvres, vous abordez Mozart, Beethoven, Verdi, énormément de compositeurs. Et là, vous vous attaquez à la Callas. Et quand on vous lit, on se rend compte qu'il y a une vraie musicalité, comme une partition de musique. Est-ce que vous êtes un musicien ou un chef d'orchestre ?

 

J'ai été sauvé par une femme qui chante. J'avais 15 ans, je faisais cette dépression des adolescents et j'avais planifié mon suicide, mon départ. J'étais dans ces conditions-là. Et puis on m'a emmené à l'opéra et une femme est entrée et elle s'est mise à chanter et pendant quatre minutes, la beauté, ma sortie de mon marasme, je me suis dit : s'il y a des choses comme ça sur terre, je reste.

 

Vous avez réagi tout à l'heure quand j'ai parlé du fait que vous étiez un raconteur d'histoires ou même un faiseur d'histoires. Ça vous convient comme terme ?

 

Faiseur d'histoires dans le bon sens du terme, bien sûr ! Je me sens un conteur. Dans tous les cas, je raconte des histoires.

 

L'écriture vous a donc permis de vous trouver, peut-être de vaincre votre "timidité" de départ ?

 

Moi, me connaître... Je ne suis pas un grand partisan de l'exploration intérieure. Socrate disait : "Connais-toi toi-même", moi, je dis toujours : "Méconnais-toi toi-même". Je n'ai pas envie de toucher à cet équilibre ou à ce déséquilibre qui me rend heureux et fécond.

 

Le point commun à tout ça, que ce soit l'écriture, la réalisation, le cinéma, le fait de monter sur scène, j'ai le sentiment que c'est la sensibilité qui vous habite. Est-ce que c'est difficile au quotidien de gérer cette sensibilité-là ?

 

Cela a été longtemps. C'est d'ailleurs pour ça que quand j'avais 17-18 ans, j'ai décidé que je ferai des études très intellectuelles, si possible de philosophie, pour essayer de me donner une structure, une colonne vertébrale, qui m'empêcherait de m'effondrer sous les émotions qui me tombaient dessus.

 

Avec Callas, on a le sentiment que c'est le même processus, mais avec sa voix. Le fait de chanter l'a sauvée à plusieurs reprises et finalement, ça finit par la détruire. Comment décririez-vous Maria Callas ?

 

Je crois qu'elle était totalement dévouée à son art. Quand on entend ses interviews, c'est extraordinaire. Elle dit : "Nous sommes sur Terre pour transmettre la vie, en transmettant l'art, la beauté". Je crois qu'elle avait vraiment le sentiment d'avoir réussi sa mission. Seulement, avoir réussi son devoir, cela ne rend pas forcément heureux.

 

Je me demandais quel était votre instrument préféré ? La voix, l'écriture, la scène, vous mêlez tout.

 

La voix. Définitivement.

Elodie Suigo

La Nouvelle République - « « La Callas a passionné la terre entière » »

Le jour de la mort de Sophia Cecelia Kalogeropoulos, dite Maria Callas, le 16 septembre 1977, Éric-Emmanuel Schmitt, 17 ans, découvre la voix de la cantatrice grecque. « J’ai vibré instantanément, c’était extraordinaire, se rappelle le dramaturge franco-belge, dont l’émotion semble intacte. Elle m’a emmené dans son monde, elle m’a ouvert à tout le répertoire italien des 19e et 20e siècles. » Jusque-là, l’amour de l’opéra du jeune Éric-Emmanuel tournait plutôt autour de Mozart et des compositeurs français. 

« La Callas a fait briller son art au-delà du cercle des amateurs, elle a passionné la terre entière, s’émerveille le romancier. Elle est la preuve que bien faire n’est pas suffisant. Tout dépend du feu, de la dévotion et de la passion avec lesquels on investit les choses. » La cantatrice, dont le centenaire de la naissance sera célébré le 2 décembre prochain, s’est brûlée deux fois, analyse Éric-Emmanuel Schmitt. « La première en donnant tout pour son art, en domestiquant une voix rebelle dont elle perdra rapidement le contrôle. La deuxième en vivant ce qu’elle jouait de- puis toujours avec la perte de son homme, Onassis, parti pour une autre [qui n’est autre que Jackie Kennedy]. » 

 

Pour aborder le génie de cette femme incandescente, « morte jeune, comme les héroïnes qu’elle incarnait », l’auteur lui a inventé une ennemie. Dans son dernier roman, La Rivale, il met en scène une certaine Carlotta Berlumi. « Cette étoile qui n’a pas brillé longtemps attribue la brièveté de sa carrière à la présence de la Callas qui effaçait tout le monde, développe Éric-Emmanuel Schmitt. Il faut dire que c’était un monstre de présence, elle peignait ses collègues sur le décor, ils n’apparaissaient plus qu’en 2D à côté d’elle. » 

Dans une démonstration par l’absurde, perfusée à l’ironie, La Rivale nous tend un miroir déformant. Quand Carlotta Berlumi critique la Callas en disant « on ne fréquente pas les salles de spectacle pour souffrir », le lecteur avisé aperçoit la force d’interprétation de la cantatrice grecque. Quand elle qualifie sa voix de « pétoire » et son timbre de « jambon trop fumé, noir, faisandé, épicé », impossible de ne pas entendre la puissance de son chant. 

Cet exercice littéraire offre à Éric-Emmanuel Schmitt le loisir de prêter à son personnage principal tout un tas de vache- ries. Et des saillies comme : « La moitié des spectateurs lui lançaient de quoi cuisiner un minestrone. » Ou encore : « À force de prendre sa voix pour un ascenseur, la Callas a fini dans l’escalier. » 


Le romancier adore ce genre de personnages. À l’image de l’acteur américain Bruce Willis, qu’il cite en rigolant : « Je l’ai entendu dire un jour qu’il préférait jouer des méchants car ils portent les plus belles fringues et ont les meilleures répliques ! » Sa Carlotta Berlumi est du genre cassante et péremptoire, mais Éric-Emmanuel Schmitt le reconnaît : « Plus je la fréquentais, plus je la trouvais touchante. » Peut-être parce que son aigreur a quelque chose d’universel. « Elle nous ressemble plus que nous ne ressemblons à la Callas », glisse le romancier, un brin narquois.
Elle est pourtant le seul personnage de fiction dans un roman non fictif, issu d’une documentation minutieuse, fruit d’années de passion. « Je ne fais jamais de recherches spécifiquement pour un livre, précise le sexagénaire. Je finis par faire des livres sur des choses qui me passionnent. »
Or, Éric-Emmanuel Schmitt l’écrit sur son propre site internet : « L’écrivain que je suis devenu est habité par la nostalgie du musicien que j’ai laissé derrière moi. » Rien d’étonnant pour quelqu’un qui « a été sauvé par une femme qui chante », ramenant à la lumière l’adolescent aux idées noires qu’il était. Une histoire qui résonne avec les mots que l’écrivain prête à son héroïne Carlotta, la seule fois où sa « rivale » arrive à enjamber le paravent de son animosité : « Le chant de la Callas était beau. Insoutenablement beau. Tout en stimulant, il apaisait, car il incarnait la vie dans son intensité et sa vulnérabilité. » 

 

Ambre Philouze-Rousseau

Le Point - « La Divine »

Éric-Emmanuel Schmitt, écrivain et dramaturge traduit dans le monde entier, campe dans La Rivale le personnage de Carlotta Berlumi, vieille dame cocasse et péremptoire, chanteuse lyrique dont la carrière fulgurante à la Scala fut brutalement éclipsée par l’astre de la Callas. Flanquée du jeune Enzo, guide touristique du célèbre opéra milanais, elle revisite avec acidité et une réjouissante mauvaise foi, la biographie de l’illustre diva.

A.C-T

Page des libraires - « Seul Eric-Emmanuel Schmitt pouvait nous conter ces deux histoires avec autant de talent. »

«La beauté n'est que le commencement du terrible»(Rilke) Cette phrase illustre à merveille les deux nouveaux textes d’Éric- Emmanuel Schmitt. L’un met en scène deux couples mythiques des années 1960, voisins de bungalow, l’autre est un hommage à la légendaire Maria Callas. 

 

Bungalow 21 est une pièce de théâtre. Los Angeles, 1960. Deux couples séjournent au BeverlyHills Hôtel. Le bungalow 20 est occupé par Signoret et Montand au somment leur gloire et de leur amour; elle est nommée aux Oscars, il doit tourner Le Milliardaire. Le bungalow 21 est celui occupé par Marilyn Monroe et son époux Arthur Miller. Leur amour s’essouffle,Marilyn paraît plus fragile que jamais, elle doit donner la réplique à Montand. Ces quatre-là sympathisent mais Arthur part enIrlande et Simone sur un tournage à Rome. Yves ne résistera pas longtemps aux charmes et à la détresse de la blonde magnifique. Cette liaison sonnera le glas du mariage d’Arthur et Marilyn, et renforcera celui de Simone et Yves.

Au-delà de la simple liaison adultère, l’auteur nous plonge dans l’intimité de ces personnages et dans les faiblesses de chacun. La Rivale, de son côté, est conçu comme le témoignage d’une obscure cantatrice qui aurait sombré dans l’oubli à cause de Maria Callas. Bouc émissaire? Rivale réelle? Carlotta, personnage cocasset plein d’humour, mais aussi de haine, permet à l’auteur de dresser le «portrait en creux d’une Callas méconnue» qui finalement aura répété sa mort sur scène toute sa vie. Ce qui est touchant dans ces deux histoires, c’est la sororité qui les traverse. Au-delà de la question de la trahison, nous sommes émus par l’amitié qui se noue entre Simone et Marilyn, deux femmes en apparence opposées, l’une sûre d’elle, l’autre tout en fragilité. Et si Carlotta rend La Callas responsable de sa chute, elle ne peut qu’admettre son incroyable présence scénique et reconnaître son talent. Éric- Emmanuel Schmitt est un faiseur d’histoires, un amoureux des mots mais aussi un mélomane averti: lui seul pouvait nous conter ces deux histoires avec autant de talent, la voix étant, comme il le dit, son instrument préféré. 

 

Aumont - Sanz

Le Figaro - « Un roman attachant ! »

POURQUOI Schmitt s’appelle-t-il Éric-Emmanuel ? « Ma mère, le 28 mars 1960, mit au monde un couple de jumeaux, Éric et Emmanuel. D’après les astrologues qu’elle avait consultés, l’un était destiné à devenir écrivain, l’autre musicien. » L’histoire est belle mais fausse. Toutefois, comme l’auteur l’écrit dans son autobiographie virtuelle sur son site personnel, elle exprime une vérité. « J’entretiens un dialogue constant avec la musique, l’art que je place au-dessus de tous les autres. Je lui offre mes phrases à l’occasion d’une chanson ou d’un opéra, ou j’invente des livres pour qu’on l’entende mieux. » 

La Rivale est la réunion de ses deux grandes passions. Il s’agit là d’une novella (135 pages), mais peut-être plus encore, d’une pièce de théâtre. On discute autant qu’on se dispute. L’écriture est un dialogue, un conflit, un cri, un chant. L’histoire, donc : Enzo est un jeune homme de 20 ans fasciné par l’opéra. Il aime Rossini, Bellini, Verdi, Puccini... et transmet cet amour tous les jours à des touristes qui visitent la Scala. Là où ont chanté Caruso, Gigli et notamment la grande Maria Callas. Une femme s’offusque. « Elle était tonitruante comme une sirène de pompiers ! » 

Malice et facétie 

Comment ? La cantatrice grecque Maria Callas qui a « révolutionné l’art lyrique » ? Enzo s’indigne. Qui est donc cette chicanière qui ose dénigrer la diva ? « J’étais la rivale de Maria Callas. » Carlotta Berlumi. Ce nom n’évoque rien à personne. Ne serait-elle pas plutôt mythomane, et aigrie qui plus est ? C’est là que le génial Schmitt entre en jeu. Plutôt que de brosser une énième hagiographie de la diva, il choisit de faire son portrait à travers celui de sa némésis. L’auteur jubile. Avec la malice et la facétie qu’on lui connaît, il nous plonge dans la vie de celle qui ne semble née que pour se venger de la Callas... 

Quelle jalousie ! Quelle méchanceté ! Carlotta Berlumi a toujours un mot vilain pour la Callas. « Grosse grecque avec des lunettes de myope, mal fagotée, boudinée », « baleine transfigurée en Audrey Hepburn »... Sa détestation est source d’imagination. À l’entendre, la Callas est un monstre, le bouc émissaire de tous ses échecs ! Si un homme s’éloigne, c’est de sa faute ; si on ne l’engage plus, c’est encore la Callas ! Elle a beau se répéter que « bientôt plus personne ne se souviendra d’elle » , il semblerait que sa prédiction se soit retournée contre elle. 

La Callas s’envole alors que Berlumi chute. Elle qui se croyait un météore n’était qu’un feu d’artifice. Et plus elle dénigre la cantatrice grecque, plus le lecteur comprend à quel point celle-ci est grande, magistrale, novatrice. « Callas réinvente la tragédie chantée en incarnant des personnages frénétiques. » 

À un moment, on croirait reconnaître Antonio Salieri sous les traits de Carlotta Berlumi, lui qui enviait tant Mozart. Mais là où le compositeur vénitien concédait son infériorité face au génie autrichien, la cantatrice ignore tout de sa petitesse. Malgré la bienveillance de Schmitt, Berlumi restera Berlumi... Un roman attachant. 

ALICE DEVELEY

S, le magazine de S - « J’ai adoré ce roman ! »

«La Callas? Vous verrez: bientôt, plus personne ne se souviendra d’elle... » C’est 

ainsi que s’exprime la nouvelle héroïne d’Éric-Emmanuel Schmitt, une certaine Carlotta Berlumi, ancienne cantatrice dont personne ne se souvient pour le coup, mais qui soutient avoir connu son heure de gloire à la Scala de Milan, et avoir été la plus grande rivale de Maria Callas. À travers ce personnage étonnant et inoubliable, au point que l’on se demande s’il a vraiment existé, l’auteur brosse en creux le portrait d’une Maria 

Callas adorée autant que décriée. L’expert de la musique qu’il est nous permet de pénétrer dans les coulisses de l’opéra et de l’âme humaine. J’ai adoré ce roman.

Sophie Davant

RCF RADIO - « Eric-Emmanuel Schmitt excelle. »

Le mélomane qu’est Eric-Emmanuel Schmitt ne pouvait pas passer à côté du centième anniversaire de la naissance de Maria Callas que nous fêterons le 2 décembre. Lui qui a déjà magnifié Mozart, Beethoven, Chopin, rend hommage ici à la diva que certains appelaient même la Divina. Avec une mise en scène dont il a le secret, l’auteur mêle histoire vraie et fiction, faisant entrer dans ces pages Carlotta Berlumi, un cantatrice maudite et imaginaire, contemporaine de la Callas. 

 

Ça se passe à la Scala de Milan, bien sûr, haut-lieu de l’art lyrique. Agée, Carlotta Berlumi revient sur les lieux et raconte à Enzo, jeune garçon bien élevé, ces années de gloire de l’opéra. Avec un portrait en creux de la diva, car Carlotta est la rivale, celle qui voudrait voir tomber la diva pour prendre sa place. L’art lyrique ne pardonne pas : « Sur scène, nous autres, les cantatrices, nous passons notre temps à agoniser. Les histoires le réclament, les compositeurs également, car les affres des héroïnes leur permettent d’écrire des airs déchirants ou des prières à fendre l’âme », confie Carlotta. Mais voilà : Londres, New-York, Vienne, Paris : c’est toujours la Callas qui est tout en haut de l’affiche.

 

C’est tout un monde, l’opéra, qui n’est souvent accessible qu’aux initiés, mais qui suscite l’admiration : « La renommée de la Callas se développait, excédant désormais celle d’une chanteuse lyrique, égale à celle d’une star de cinéma dont on commente les robes, les coiffures, les chaussures, les goûts culinaires et les caprices ». Et c’est vrai que la cantatrice cultivait les caprices de star, c’est peut-être aussi cela qui faisait sa popularité. « Il est certain qu’elle chope toute la lumière et condamne les autres à l’oubli », souligne vengeresse Carlotta. Eric-Emmanuel Schmitt dresse avec humour le portrait de la jalouse, la rivale, qui est dans le public en ce 2 janvier 1958. Callas doit interpréter le rôle de Norma à l’opéra de Rome : « Elle entra, vêtue en prêtresse, svelte, élégante, radieuse, un rameau de gui à la main. Le temps se suspendit. Même le silence changea de densité ». Et là… je ne vous en dirai pas plus, pour ne pas dévoiler le ressort de ce roman à la gloire de la Callas, les grands amateurs d’opéra savent de quoi je parle…

 

Ce que je peux vous dire encore, c’est l’admiration de l’écrivain pour la cantatrice : « Le chant de Callas était beau, écrit Eric-Emmanuel Schmitt. Insoutenablement beau. Plastique, mobile, infléchi, il désespérait et consolait en même temps. La voix de Callas, à la fois puissante et meurtrie, associait la force et la fragilité. » Ecrivain increvable et prolixe, Eric-Emmanuel Schmitt excelle aussi bien dans les grands romans épiques, notamment le cycle de « La traversée des temps » qui raconte l’histoire de l’humanité, qu’avec les pièces de théâtre ou encore les textes brefs comme celui-ci, un peu à l’image de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran ou d’Oscar et la dame rose. A se demandait si Callas n’est pas un personnage de légende : « Elle a tout chanté. et parce qu’elle a tout chanté, elle n’a pas chanté longtemps. »

Christophe Henning

Classique mais pas has-been - « Un très agréable moment de lecture »

Dans La Rivale, Eric-Emmanuel Schmitt invite le lecteur, avec beaucoup d'humour et de malice, à suivre les traces de la cantatrice Carlotta Berlumi, vieille dame cacochyme qui soutien contre vents et marées qu'elle fut en son temps la principale rivale de Callas. 

Ce roman court et savoureux devrait réjouir tous les passionnés d'opéra et les admirateurs de Callas après les célébrations du Centenaire de sa naissance. Après plusieurs décennies passées à se produire sur des scènes secondaires puis à enseigner en Argentine, la nonagénaire cantatrice Carlotta Berlumi revient en Italie et plus précisément à la Scala de Milan où elle soutient avoir connu ses heures de gloire. Oubliée de tous, la vieille femme hèle depuis le parterre du théâtre un jeune homme passionnée d'art lyrique et guide conférencier, Enzo. Natif de Rimini, Enzo a découvert le monde de l'opéra grâce à son grand-père, lui-même passionné. Pendant sa présentation de la Scala, il évoque pour les touristes présents la haute figure de Maria Callas, qu'il idolâtre. Mais Carlotta Berlumi ne l'entend pas de cette oreille, considérant que Callas a comploté pour l'éloigner de la scène et la jeter aux oubliettes. Enzo devenu confident et Carlotta Berlumi finissent par se retrouver à plusieurs reprises autour de cocktails bien tassés.
La Berlumi déroule alors ses souvenirs de carrière et de vie, sa haine grandissante pour sa rivale, qu'elle n'épargne pas : sa technique vocale, sa présence en scène et même sa spectaculaire métamorphose corporelle. Le tout en réservant au passage quelques piques à Renata Tebaldi. « La Callas ? Vous verrez : bientôt plus personne ne se souviendra d'elle » ne cesse t'elle d'asséner à ses interlocuteurs ou à ses nombreux amants : surtout les barytons-basse à la réputation à priori flatteuse dont elle s'avère particulièrement friande. Sur le plan artistique, la soprano Carlotta Berlumi revendique son appartenance à une autre esthétique qui met en avant la beauté de la ligne de chant et la retenue dramatique : tout le contraire de Callas !

Alors que sa carrière ne cesse de décroître du fait (pense t'elle) des manigances et des tromperies de Callas, la carrière de cette dernière explose et déborde largement du simple monde de l'opéra ! Mais Carlotta Berlumi prépare sa vengeance en pratiquant à domicile une sorte de vaudou. Lors de la fameuse première de La Norma à l'Opéra de Rome en 1958, elle se tient au premier rang d'orchestre. Callas la voyant est soudain prise de malaise et doit interrompre la représentation, créant le scandale que l'on sait ! Si Callas part se réfugier en Amérique de Nord, Carlotta Berlumi choisi pour sa part l'Afrique du Sud et l'Argentine.
Le roman fourmille d'anecdotes savoureuses et propose le portrait en creux et fort irrévérencieux, mais aussi un rien cruel, de deux cantatrices, l'une imaginaire et l'autre bien vivante ! Eric-Emmanuel Schmitt connaît parfaitement bien l'opéra et la musique : ce livre le prouve, sans en faire tout un étalage. Mais les superbes premières pages marquant la découverte par Enzo de l'opéra en portent un saisissant témoignage, assez personnel semble-t-il. Et encore, on vous a rien dit des dernière pages du roman, qui révèlent les liens effectifs qui unissent en fait les différents personnages. Un très agréable moment de lecture, paru chez Albin Michel. 

 

José Pons

L’Orient littéraire ( Liban ) - « Un étincelant bijou ! »

La Rivale, en devanture des librairies, est un livre aux allures d’un récit court, non crayeux ou chétif mais bourré d’anecdotes et riche en rebondissements. Un peu déstabilisant mais certainement très agréable à lire car la cocasserie, la caricature, l’ironie, la dérision, l’humour noir et grinçant ne sont là que pour un hommage encore plus accentué à celle qui fit rêver les foules et paya cher de sa vie ses incartades et ses frasques sublimes… Sur tous les plans.

Étrange biographie, qui n’a rien à voir avec les sérieux et savants pavés de Jean-Jacques Groleau, René de Ceccatty ou Anna Stanissopoulos (pour ne citer que ces ténors afin de cerner le parcours de celle qui a littéralement brûlé les planches de la scène lyrique !), entre narration fantaisiste et précisions historiques d’une carrière à la fois portée aux nues et huée, ardemment suivie par un public international, tel un palpitant roman à couper le souffle !

Personnage mythique et emblématique de l’art lyrique, Maria Callas a défrayé la chronique. Elle s’est imposée aussi bien par une personnalité hors norme que par son chant, en révolutionnant le bel canto et la force d’interprétation, de comédienne et de tragédienne, qui l’habitaient.

Comme pour taquiner et titiller le lecteur, l’auteur de Madame Pylinka et le secret de Chopin (un autre plaisir de découvrir la musique au cœur de la littérature à travers les écrits de EES !) a imaginé une rivale à celle qui n’avait pas d’égale. 

Et cette rivale est une certaine Carlotta Berlumi, née de l’imaginaire de Schmitt, obscure et mythomane cantatrice qui se pique, par une parano dingue, de se mesurer à une Prima Donna, étoile des étoiles… Souffrante d’un syndrome de persécution et convaincue d’une machination « complotiste » contre elle, Carlotta, femme très libre de son corps et qui chante sagement, sans originalité, s’attaque férocement à « la grosse Grecque, myope comme une taupe – une boulotte bigleuse –, qui n’est que cantatrice dramatique et de surcroît flanquée d’un mari sénile… »

Bien entendu risible portait tronqué de Maria Callas qui, telle une chrysalide, se transformera dans son éclosion en une femme merveilleuse, captivera les feux de la rampe, étonnera l’univers par ses prestations (entre autres !) de la Norma de Vincenzo Bellini et la Tosca de Giacomo Puccini… Même Aristote Onassis, Crésus moderne cousu d’or, succombera à son charme et sa sophistication infinie… Sans oublier que Luchino Visconti, au flair infaillible, fut le premier à lui donner le rôle de « la traviata » à La Scala de Milan en 1955.

Au lieu de dénigrer la perfectionniste et stupéfiante Maria Callas, les aigreurs, les énormes propos malveillants, les attitudes acariâtres, les combines de la vieille Carlotta, gâteuse en fin de vie, la rendent encore plus lumineuse, plus inaccessible, plus inatteignable.

Avec La Rivale, Eric-Emmanuel Schmitt signe là un texte incandescent, brillantissime et jubilatoire.

Un style admirablement maîtrisé, captivant jusqu’au bout. Pour un miroir déformant qui finit par restituer, comme un puzzle recomposé, toute la grandeur, le talent, le tragique et l’aura incomparable d’une cantatrice, soprane assoluta, qui a eu l’audace et le courage de chambouler tous les conventionnels ronrons de levers de rideau du bel canto… 

De Paris à Vienne en passant par Londres et New-York, La Callas, de par sa particulière et unique tessiture vocale et son sens acharné au labeur, a conquis haut la voix les belcantistes chevronnés.

Si l’église et l’opéra règnent sur le cœur des Italiens, comme le souligne l’auteur, l’opéra, incarnation de la passion, des sentiments, de l’excès, du pathos et de la folie furieuse, aura été l’arène vivante d’une femme qui a vécu ce que Tosca chantait : « J’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour, je n’ai jamais fait de mal à âme qui vive !… »

Edgar Davidian

Classica - « Il est bon de lire ces lignes. »

Madame Berlumi et la théorie du complot.

Certes, on célébrera le 2 décembre le centième anniversaire de la naissance de Maria Callas, et le nouveau roman d'Éric-Emmanuel Schmitt tombe donc à pic. Pourtant, les mélomanes n'y trouveront rien de neuf sur La Divina, hormis quelques belles réflexions comme cette remarque: « C'était une voix imparfaite qui rêvait à d'autres voix». Non, le véritable intérêt de ce texte court, c'est d'offrir un terrifiant portrait de la médiocrité humaine, celle qui ne supporte pas qu'on chante, qu'on pense ou qu'on vive différemment (et donc peut-être mieux).

Carlotta Berlumi, ex-soprano centenaire, est complotiste. Forcément. Pour elle, il n'y a pas d'autre explication à la longue dégringolade que fut sa carrière: c'est la faute à Callas. Cette théorie est « rassurante car l'existence avait acquis une lisibilité extraordinaire ». Avant de mourir comme le Nain de Zemlinsky, Madame Berlumi a le temps d'exprimer sa détestation de tout ce qui n'est pas strict bel canto, à savoir le baroque et le contemporain: «Vous appelez ça de la musique, vous?» Enfin et surtout, à l'heure où se multiplient les déclarations poujadistes qui jettent le bébé avec l'eau du Regietheater, il est bon de lire ces lignes où, face à La traviata montée par Visconti, la Berlumi s'accroche fermement à ses convictions d'arrière-garde: « Au lieu d'assister à un agréable divertissement, elle endurait quelque chose de monstrueux, d'une expressivité excessive ». Car chacun sait que l'opéra, ce sont uniquement « de belles notes qui jaillissent de beaux gosiers, du plaisir, rien que du plaisir »...

LAURENT BURY

Critiques des blogs

S2PMag - « Un récit vibrant d’émotions qui nous fascine de bout en bout. »

Le 2 décembre prochain Maria Callas aurait eu 100 ans. Eric-Emmanuel Schmitt lui rend hommage dans « La rivale », un court récit publié aux éditions Albin Michel. A travers le personnage de Carlotta Berlumi, une vieille dame dont le nom ne dit rien à personne mais qui soutient avoir été la plus grande rivale de la cantatrice grecque, le dramaturge brosse le portrait en creux de la Divine. L’originalité du dispositif consiste précisément à raconter les triomphes, les échecs, les scandales de la diva à travers le regard haineux de Carlotta qui lui en veut de lui avoir volé la vedette.

Avec son incommensurable talent de conteur, Eric-Emmanuel Schmitt nous plonge dans les coulisses de l’opéra, mais aussi dans le cœur humain. En décrivant La Callas comme une manipulatrice obsédée par le désir de lui nuire, Carlotta Berlumi n’aurait-elle pas trouvé le bouc-émissaire de ses échecs, de ses déboires et de ses frustrations ? Un récit vibrant d’émotions qui nous fascine de bout en bout.

Alexia Cerutti

Publications

  • En langue française, éditions Albin Michel
  • En langue française grand format, éditions À vue d'Oeil
  • En langue roumaine, Humanitas Fiction