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La Traversée des temps - Soleil sombre - tome 3

Résumé

Poursuivant sa traversée de l’histoire humaine, Noam s’éveille d’un long sommeil sur les rives du Nil, en 1650 av. J.-C. et se lance à la découverte de Memphis, capitale des deux royaumes d’Égypte. Les temps ont bien changé. Des maisons de plaisir à la Maison des morts, des quartiers hébreux au palais de Pharaon se dévoile à lui une civilisation inouïe qui se transmet sur des rouleaux de papyrus, qui vénère le Nil, fleuve nourricier, momifie les morts, invente l’au-delà, érige des temples et des pyramides pour accéder à l’éternité. Mais Noam, le cœur plein de rage, a une unique idée en tête : en découdre avec son ennemi pour connaître enfin l’immortalité heureuse auprès de Noura, son aimée.

Avec le troisième tome du cycle de La Traversée des Temps, Éric-Emmanuel Schmitt nous embarque en Égypte ancienne, une civilisation qui prospéra pendant plus de trois mille ans. Fertile en surprises, Soleil sombre restitue ce monde en pleine effervescence dont notre modernité a conservé des traces, mais qui reste dans l’Histoire des hommes une parenthèse aussi sublime qu’énigmatique. 

Critiques

Le Pèlerin - « Un tome 3 captivant! »

Après avoir survécu au Déluge, parcouru le néolithique, découvert Babel et la Mésopotamie, Noam poursuit son exploration des civilisations et s'éveille, en 1650 avant Jésus-Christ, sur les rives du Nil. Le héros immortel de La traversée des temps nous ouvre les portes de l'Égypte ancienne et de Memphis, capitale des deux royaumes. Noam suspend son souffle devant la perfection des pyramides, s'endort entre les pattes minérales de l'énigmatique Sphynx, s'initie à la momification des corps que l'on prépare pour l'autre monde, confie à la fille de Pharaon un nouveau-né abandonné au fleuve... Mêlant sa plume de conteur à sa culture encyclopédique, l'auteur campe des personnages qui nous émeuvent et nous instruisent sur l'évolution de l'humanité. Éric-Emmanuel Schmitt n'a pas son pareil pour captiver son lecteur et le rendre plus clairvoyant, d'un même élan. Passeur, jamais professeur. Quel talent!

Catherine Lalanne

Le Pèlerin - « Éric-Emmanuel Schmitt: passeur d'Histoire sur les rives du Nil »

Pour la publication de "Soleil sombre", le troisième tome de son cycle romanesque sur l’histoire de l’humanité, Le Pèlerin a accompagné l’auteur au pays des pharaons et de Moïse ! Reportage en Égypte dans les pas de son héros immortel Noam.

"Une parenthèse unique de trois mille ans, une oasis historique et géographique: jamais une civilisation n'a duré aussi longtemps", s'exclame Éric-Emmanuel Schmitt, en contemplation devant la pyramide de Khéops, majestueuse, dont le sommet pointe dans un ciel de nuages blancs. Pour la sortie de Soleil sombre, le troisième tome de sa Traversée des temps consacré à L'Égypte, son éditeur Albin Michel a invité pendant deux jours des journalistes et l'auteur sur les lieux du roman. Devant les pyramides du plateau de Gizeh, sur les rives du Nil, et à Memphis, ancienne capitale de l'Égypte. L'écrivain joyeux et enchanteur explique son engouement pour le pays des pharaons et le titre de son ouvrage.

"L'Égypte est un oxymore! Elle mêle ce qui va devenir séparé, avec la philosophie grecque et la pensée juive. Dans l'Égypte antique, tout est lié. La mort et la vie: il y a une continuité de l'être physique après la mort. Les êtres humains et les animaux: les dieux sont mi-hommes mi-bêtes. Le masculin et le féminin: le Nil est hermaphrodite, fort comme un homme, nourrissant comme une femme!" L'auteur est intarissable. "Si nous éprouvons une si vive passion pour l'Égypte, alors que nous n'avons presque rien conservé de cette culture, c'est qu'elle préserve son mystère. Elle est l'anti-Descartes, l'anticatégorie!"

Ainsi le romancier ne cache pas son bonheur de retrouver la perfection des pyramides sur le plateau religieux de Gizeh, au sud du Caire – "cette forme parfaite dit l'unité et la puissance de l'être". Et d'admirer les sculptures d'une  finesse infinie au Musée du Caire: dieux, pharaons, prêtres, scribes, en diorite, basalte, ivoire, bois de cèdre ou de sycomore, mais aussi sarcophages peints de couleur vive, trésor de Toutankhamon et... momies. Si une grande partie des pièces a rejoint le tout nouveau Grand Musée égyptien, à côté des pyramides, qui ouvrira en 2023, deux momies – Yuya et Thuya, les grands-parents de Toutankhamon – sont encore visibles. En excellent état. Sensation d'une présence tant les traits du visage sont conservés.

Les ruses des prêtres d'Anubis Ces rites et pratiques, lors de la momification, Éric-Emmanuel Schmitt les a amplement décrits, s'appuyant sur les plus récentes découvertes. "En scannant des momies, les archéologues ont découvert que la qualité d'embaumement variait beaucoup, et que parfois des prestations promises n'avaient pas eu lieu! Ce qui me permet de brosser une vaste comédie humaine", s'amuse l'auteur qui, dans son roman, dépeint avec tant de réalisme la Maison de l'éternité de Memphis que l'on a l'impression de s'y trouver au côté de Noam, témoin des entourloupes des prêtres d'Anubis et du fameux Supérieur des secrets au masque de chacal... L'auteur se passionne aussi pour les remèdes et pratiques médicales qu'il avait déjà développés dans ses deux premiers tomes avec Tibor, l'homme-médecine. "Enfant, je me rendais souvent à la faculté de médecine de Lyon, où mon père dirigeait l'école de kinésithérapie. Il y avait une salle de momies et une collection d'instruments médicaux à travers les âges! Si je n'avais pas écrit, j'aurais été médecin."

On ne peut être qu'admiratif devant la somme d'informations accumulées, tressées finement avec l'épopée du héros Noam – scribe, médecin, curieux de tout... alter ego d'Éric-Emmanuel Schmitt? L'auteur acquiesce et relativise: "C'est moi en mieux! Noam ne juge pas, il s'adapte, c'est un humaniste." Mais comment travaille l'auteur pour élaborer cet ensemble? "Je commence par me faire une bibliothèque sérieuse sur le sujet, avec des avis opposés, et m'attache à tous les petits détails. Mon plan, les personnages, les événements, tout est dans ma mémoire! Ensuite, je passe huit à neuf mois à écrire, et fais relire mon texte par des égyptologues."

Quant au choix des lieux, temps et personnages de ce troisième tome, "je voulais montrer des figures du peuple et des femmes, le rôle important qu'elles jouaient à l'époque. Même si les égyptologues affirment qu'elles étaient moins puissantes que ce que les – excellentes – œuvres de Christiane Desroche Noblecourt laissent penser, elles n'étaient pas reléguées à la cuisine, ni voilées". Ainsi Éric-Emmanuel Schmitt plante des portraits savoureux au féminin: Féfi la parfumeuse, Méret la joueuse de harpe et chanteuse proche de Noam..

Un Moïse dubitatif

"Memphis s'imposait, car c'est la première capitale de l'Égypte, et comme il reste peu de vestiges, cela me permet- tait d'inventer" explique-t-il, surpris de découvrir, dans le musée de Memphis, un sphinx d'albâtre superbe: le colosse de Ramsès II, couché et monumental. Après la séance de photos devant le sphinx, Éric-Emmanuel Schmitt éclaire ses choix. "J'ai choisi de situer l'action vers 1650 avant Jésus-Christ, au moment de l'éruption du volcan de Santorin en lien avec des événements qui sont parvenus jusqu'à nous: l'arrivée des “ténèbres où l'on tâtonne” (Exode 10, 21), les épidémies... Dans mon livre, Aaron, le compagnon de Moïse, attribue ces “plaies d'Égypte” au Dieu de Moïse, mais je croque un Moïse plus circonspect!" Cette liberté, Éric- Emmanuel Schmitt, tout chrétien qu'il est, se l'accorde volontiers, tant il pense que l'histoire et la propension de l'humanité à créer du sens et des mythes est compatible avec la foi et le message du Christ. Une liberté dont l'auteur use pour narrer le récit historique ou le mythe d'Isis ou Osiris, ou mettre en connexion Noam, son héros immortel, avec les transhumanistes d'aujourd'hui – "le transhumanisme, incarnation contemporaine du refus de la mort physique, à l'instar des Égyptiens!"

Colossale et envoûtante, cette fresque romanesque sur des millénaires, Éric-Emmanuel Schmitt en rêvait depuis ses 25 ans: "J'ai développé ma plume au fil de ces années, par le théâtre, le conte, le récit, quelques romans, pour aboutir à ce cycle qui me rend si heureux! Je peux ainsi me livrer à ma passion encyclopédique, dans le roman et dans les notes de bas de page. C'est un couloir de vie. Chaque nouveau tome me communique son énergie..."

Au pays de Pharaon et de Moïse Les pyramides

Qui n'a jamais rêvé de contempler ces "quarante siècles" d'histoire selon la célèbre formule de Napoléon Bonaparte, en 1798. Alors, accompagner avec d'autres confrères journalistes, Éric-Emmanuel Schmitt sur le plateau de Gizeh, pour la sortie du troisième tome de son cycle historique romanesque, est une chance ( lire p. 40). Devant la pyramide de Khéops, le passé se rappelle à nous avec toute sa splendeur. Là, des hommes croyant à l'immortalité ont édifié les plus incroyables tombeaux, où, momifiés, ils attendraient le passage dans l'au-delà. "Cela m'émeut, me relie à nos ancêtres, à leur conception si mystérieuse de la vie et de la mort", confie le romancier.

 

Muriel Fauriat

Le Figaro - « Chez les pharaons, avec Eric-Emmanuel Schmitt »

SILHOUETTE massive à l’image de celle d’Alexandre Dumas, son mentor en littérature, Éric-Emmanuel Schmitt n’apprécie, paradoxalement, rien tant que la légèreté. « Cette grâce qu’ont certains êtres de se réjouir de ce qu’on va faire le jour, se réjouir de ce qu’on va faire la nuit. Ceux pour qui la vie est une fête. » Lui qui se reconnaît « serein et d’humeur égale » admet être sombre, parfois. Raison pour laquelle il a tant besoin de s’entourer de ces « êtres fantaisistes » . Leur clarté, leur énergie réveillent les siennes, lui évitant de « s’éteindre » . Ainsi de son amie Danielle Darrieux. Il lui avait dédié Oscar et la Dame rose, un seule-en-scène dans lequel avait joué l’actrice en 2003, à 85 ans, au Théâtre des Champs-Élysées. « Danielle , avait-il demandé, quelle est votre définition du bonheur? » Question existentielle s’il en est. « Ouvrir les volets, le matin. Les refermer, le soir », avait répondu l’exquise comédienne disparue en 2017. bonne humeur.

Durant les deux jours d’une escapade au Caire organisée par son éditeur Albin Michel pour accompagner la parution de Soleil sombre, troisième tome d’une histoire de l’humanité en huit volumes – « 600 pages chacun, 5 000 en tout », insiste l’auteur -, qui a dé- buté par l’époque néolithique avec Paradis perdu s, en février 2021, l’écrivain semble incarner cette propension, si rare de nos jours, à profiter de l’instant présent. 

 

À l’étroit sur son siège d’un vol de nuit Paris-Le Caire, inconfortable sur la bosse d’un dromadaire, patientant sous le soleil brûlant face à la pyramide de Khéops à Gizeh, calé sur les coussins fleuris d’une antique felouque ou ballotté dans un autocar de tourisme se frayant un chemin au gré des échangeurs gigantesques qui éventrent la capitale d’Égypte, Éric-Emmanuel Schmitt ne se dé- partit pas un seul instant de sa bonne humeur. Souriant, avenant, aimable. Toujours à l’éco te, disponible. Une manière élégante d’être au monde. 

 

 Pourtant, il aurait toutes les raisons d’être fatigué. L’auteur de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2001) rentre d’un séjour d’un mois en Israël, où il a séjourné chez les moines bénédictins à Jérusalem à l’invitation du Vatican ; le 14 novembre il sera reçu par le pape François à Rome. Entre-temps, il aura remis le prix Goncourt chez Drouant ; il dirige avec passion le Théâtre Rive Gauche, à Paris, cumule les allers- retours à Bruxelles, où ce Belge d’adoption vit depuis vingt ans, travaille déjà au quatrième tome de La Traversée des temps, qui sera situé en Grèce et le voici pour deux jours au pays des pharaons. 

 

À corps perdu.

 

Car Soleil sombre se déroule à Memphis sur les bords du Nil en 1 650 avant J.-C. Une époque de bascule où un groupe d’hommes emmenés par Moïse décide de quitter l’Égypte « pour vivre et penser différemment ». Comme pour les deux précédents épisodes de la saga, Noam, héros immortel, nous conduit par le biais de ses mémoires à travers les époques, les siècles, les civilisations. « J’ai toujours été habité par cette question : comment sommes- nous devenus ce que nous sommes?” Explique Eric-Emmanuel Schmitt pour justifier cette entreprise littéraire titanesque de vulgarisation historique à laquelle il réfléchit depuis l’âge de 25 ans. « J’étais jeune philosophe, normalien, j’enseignais pour la première fois et, je me suis demandé comment nous étions passés de l’état de chasseur-cueilleur à ça » , dit-il en balayant d’un grand geste l’étendue illimitée du panorama illuminé à nos pieds : la cité bruyante du Caire, sur la- quelle tombe la nuit. « Ce monde- là, totalement urbanisé, hominisé, anthropocène, quoi ! Quelles sont les étapes ? » 

C’est alors qu’il a l’idée d’un personnage « qui aurait tout traversé et nous raconterait son histoire en nous racontant la nôtre ». La situation romanesque trouvée, il n’a de cesse de cultiver la personnalité de son caractère principal. « J’ai vu qu’il serait guérisseur, donc médecin, j’ai saisi son rapport au monde, son intense curiosité, deviné ses troubles sentimentaux, sa sensibilité intacte. Noam s’est mis à exister. » D’ailleurs, il lui ressemble. Émotions, sensualité, moments de doutes. Alors, on s’étonne. S’il a eu ce projet aussi précisément à 25 ans, pourquoi avoir attendu si longtemps avant de s’y mettre ? Avoir commencé par une carrière de dramaturge avec La Nuit de Valognes (1991), succès immédiat qui lui ouvrira toutes les portes ? S’être jeté à corps perdu dans une création protéiforme partagée entre théâtre, romans, essais, récits, nouvelles – en tout 53 titres ? « Je n’étais pas prêt. Quand cette idée est née, je me savais incapable de la réaliser encore. Je me suis donné rendez-vous : “Un jour tu auras suffisamment de connaissances pour délimiter tes périodes historiques, suffisamment de souffle pour écrire un tel roman.” C’est devenu un programme de vie, un calendrier intellectuel et artistique. Il a guidé mes lectures durant trente ans, et chaque œuvre que j’écrivais servait de tremplin pour celle à venir. J’essayais d’élargir ma palette. » Pourtant rien ne vient. « Je me suis détesté de ne pas y arriver. J’ai essayé plusieurs fois, c’était fabriqué. » Pourquoi tout à coup ? La réponse fuse : « La mort de ma mère. » Les yeux d’Éric-Emmanuel s’embuent. On s’excuse, propose de changer de sujet. « Non, non, insiste l’écrivain.J’arrive à en parler maintenant, raison pour laquelle j’en parle. Longtemps, il y a eu un petit garçon en moi qui pensait que sa mère serait immortelle. Puis, pif, d’un seul coup, elle est morte. Comme ça ! À 87 ans. C’est un bel âge pour mourir. Mais ça m’a secoué. J’ai réalisé que le temps était compté. Je me suis dit : “Tu as ce grand projet en toi et tu ne t’y mets pas ?” Au fond, j’ai entrepris le début de la rédaction dans une douleur. Je me disais : “C’est le livre le plus important de ma vie et ma mère ne le lira pas.” Mais il fait partie de mon travail de deuil. » Une renaissance ? « Oui, elle était morte, il fallait que je donne la vie. » 

Placée sous les bons auspices d’Alexandre Dumas pour l’art de conter et le sens du mouvement,
« de l’attente, des surprises, chaque phrase fait attendre la suivante », résume Éric-Emmanuel Schmitt, cette fresque historico- scientifico-romanesque explore le rapport des humains à la mort. Ancienne capitale des deux royaumes d’Égypte, Memphis, où se situe Soleil sombre, fut le lieu de l’extrême sophistication des rites funéraires. Une caractéristique qui permet à l’écrivain saute- barrières d’oser un parallèle avec le transhumanisme version Silicon Valley, « cette obsession pour l’homme augmenté de la même façon que les momies l’étaient pour les Égyptiens ». Mais ce soir, « dans cette grande douceur que l’on ressent ici », alors que le jour tombe sur les vestiges d’une société disparue, la nostalgie l’envahit. Celle de la pensée oxymorique qui, « au lieu de séparer, lie » . Celle d’avant la rationalité grec- que et la logique monothéiste. Une pensée qui ne différencie pas le mort du vivant, les animaux des humains, le féminin du masculin. Dans cette « indistinction poétique » , Éric-Emmanuel Schmitt se sent heureux, apaisé. 

Isabelle Spaak

Le Parisien - « Un brillant soleil sombre. »

Dans le désert au pied des pyramides de Gizeh dans les rues grouillantes du Caire ou dans les allées de l’incroyable musée de la capitale égyptienne vêtu de son toujours impeccable costume bleu, Eric-Emmanuel Schmitt est comme un poisson dans le Nil. Chaussures cirées, veste et chemise blanche parfaitement repassée, même attaqué par une horde de moustiques et malgré la chaleur, il ne perd jamais son sourire. C’est dans ce pays à l’histoire pharaonique que l’écrivain philosophe a campé “Soleil sombre”, troisième tome de son incroyable fresque de l’histoire de l’humanité “La traversée des temps”, prévue pour comporter pas moins de 8 volumes.

Après le néolithique dans “Paradis perdus”, la Mésopotamie des bâtisseurs dans “La porte du ciel”, nous retrouvons en Egypte Noam, son héros immortel, qui porte toujours aussi bien ses 25 ans apparents malgré ses 8000 ans réels. Aussi instructif et réjouissant que les deux précédents, ce voyage littéraire nous embarque à Memphis sur les bords du Nil vers 1650 av J-C alors que l’empire des pharaons est à son apogée.

Une empreinte de mon enfance.

Enfant, Eric-Emmanuel Schmitt aimait aller dans le bureau de son père qui dirigeait l’école de kinésithérapie à la faculté de médecine de Lyon. “L’Egypte, c’est une empreinte de mon enfance. Il y avait une collection de momies qui me fascinaient aussi une incroyable collection d’instruments de médecine à travers les âges. C’est étonnant car c’est très récemment seulement que j’ai fait le lien avec mon héros Noam, guérisseur à travers le temps et scribe dans ce troisième opus.”

Pour lui, si l’Égypte ancienne passionne toujours les Français depuis Napoléon et Champollion, c’est parce qu’elle “ représente l’anti-Descartes” et “ la fréquentation du mystère”. “Nous avons besoin d’équilibre à notre rationalisme exacerbé. Alors que la Mésopotamie de 3000 ans, un monde qui se suffisait au milieu du désert à lui même. C’est aussi l’invention de l’au-delà et de l’éternité. En visitant les pyramides, on a devant soi la présence de la mort dans le vivant.”

“L’évidence” Memphis, la discrète.

Il aurait pu planter son décor à Louxor, Carnac ou Abou Simbel, si somptueuses qu’on ne les présente plus. Il a choisi Memphis, la discrète. “ C’était une évidence”, confie l’auteur lors d’une balade sur le site archéologique, entre un sphinx majestueux et une immense statue allongée de Ramsès II.

“ Memphis, c’était la première capitale du royaume d´Egypte et la plus ancienne du monde, le siège de sa puissance, le lieu où tout le commerce convergeai. Aujourd’hui, il ne reste rien de Memphis. Ce qui me donne une liberté incroyable de la décrire. Le pouvoir du roman, c’est de faire renaître ce qui a disparu. Le roman, c’est le contraire de la ruine.”

Il en ressort un livre de plus de 550 pages qui se dévore d’une traite. Un récit qui, comme les deux précédents, foisonne d’informations et d’anecdotes. Eric-Emmanuel Schmitt reconnaît que ce troisième ne fut pas le plus facile à écrire, tant il existe de romans et d’essais sur l’Egypte avec son lot de clichés. Il adore la phrase “très éclairante” de Mona Ozouf qu’il a fait sienne pour rédiger son épopée humaniste : “ Le roman historique, c’est l’histoire rendue domestique.”

Dans “Soleil sombre”, l’écrivain s’attache surtout à la vie des gens ordinaire, même si l’Egypte pharaonique n’est jamais très loin. On y découvre une société où les femmes occupent des postes importants, possèdent des biens ou s’offrent même de jeunes amants. Isis, la grande déesse qui donne la vie, est omniprésente. “ Le rôle de la femme a décru tout au long de l’histoire, elle a perdu des positions. Dans les représentations de rapports sexuels la femme est sur l’homme”, explique l’agrégé de philosophie, qui se revendique féministe universaliste, comme sa mère et Simone de Beauvoir.

Un travail de fourmi.

Son égyptologue préféré c’est Christiane Desroches Noblecourt(1913-2011), qui participa au sauvetage des monuments d’Abou Simbel, menacés  par la construction d’un barrage. “Elle défendait ardemment les femmes et peut-être un peu trop car selon ses contemporains elle est allé un peu trop loin.” “J’ai du minorer la première version du roman qui donnait la part encore plus belle  aux femmes” surit l’auteur précisant qu’avant d’être confié à son éditeur le livre a été relu par deux égyptologues.

Pour coller au plus près à la réalité historique Eric-Emmanuel Schmitt se lance en amont dans un travail de fourmi. “Quand je m’y mets je ne sais pas toujours ce que je cherche, rigole-t-il. Je me prépare une bibliographie et j’aime bien opposer des histoires qui ne sont pas d’accord pour trouver les fissures les failles et dessiner ainsi ma problématique. Et découvrir des anecdotes incroyable, comme  celle sur ces femmes égyptiennes qui urinaient sur un sac de graines d’orge  pour savoir si elles étaient enceintes. Si elles germaient, elles l’étaient!”

De mème grâce aux dernières recherches qui permettent de radiographier très précisément les momies, il apprend que certains embaumeurs étaient des escrocs ne livrant pas la prestation demandée. “Pour un romancier, c’est fantastique, j’ai réintroduit ces arnaques dans mon intrigue. C’est la comédie humaine!” Et elle va se poursuivre. L’an prochain on devrait retrouver Noam à Athènes. “Cela devrait être plus facile, avoue Eric-Emmanuel Schmitt, car la Grèce, c’est ma culture de formation. Et ma passion.”

Sandrine Bajos

Le Point - « Schmitt au temps des pharaons »

L'écrivain poursuit sa monumentale histoire de l'humanité. Dans ce troisième tome, il nous embarque dans le berceau de la civilisation égyptienne. Rencontre à Memphis.

“ Ça alors, c'est extraordinaire! Vous croyez tout savoir sur le lieu où vous situez votre roman. et puis vous tomber là-dessus» Éric- Emmanuel Schmitt se tient face au monumental sphinx monolithe de Memphis. C'est à quelques kilomètres au sud du Caire, dans l'ancienne capitale de l'Egypte, sous les pharaons Hyksös (I650 avantI.-C.), que l'auteur a choisi de nous embarquer pour le troisième tome de son projet titanesque, La Traversée des temps. «Je connaissais évidemment la nécropole de Saggarah, à quelques kilomètres d'ici, mais ce sphinx magnifique et ce colosse en calcaire de Ramsès Il qui sommeille derrière, non, j’en avais jamais fait leur connaissance.» Ce n’est pas rien de faire découvrir des choses à celui qui en sait déjà beaucoup. «C'est comme si Yuval Noah Harari croisait Alexandre Dumas », annonçait-on chez Albin Michel, lors de la parution du premier volume de cette monumentale histoire de l'humanité. Et, de fait, il y a de ça: l'érudition de l'un, l'envolée romanesque de l'autre. Schmitt poursuit son besoin insatiable de savoir et d'histoires.

Hédonisme. Après le néolithique des peuples lacustres (Paradis perdus) et al Mésopotamie des bâtisseurs (La Porte du ciel), dans Soleil sombre, Noam l'immortel s'éveille donc après un long sommeil sur les rives du Nil et se lance à la découverte de Memphis, alors capitale des deux royaumes d'Égypte. Qui détient la fortune? Le pouvoir? Qui tire les ficelles? Pour en découdre avec l'ennemi et retrouver Noura, son âme sœur, il doit percer l’âme égyptienne, «ce mélange d'imagination et de science, de fantaisie et de rigueur, qui est en train d'enfanter une civilisation étourdissante». Des maisons de plaisir à la Maison des morts, des quartiers hébreux au palais du pharaon, tour à tour scribe, amant, embaumeur, guérisseur, Noam infiltre la société et, ce faisant, son auteur - ou bien est-ce son double?-redonne chair et vie aux temps évanouis. L'Egypte, Schmitt l'a découverte enfant. Pas dans les livres mais avec son père, qui dirigeait l'école de kinésithérapie à al faculté de médecine de Lyon. «Je réclamais souvent qu'il m'emmène avec lui. Il y avait là des momies qui me fascinaient. J'étais subjugué aussi par l'impressionnante collection d'instruments de médecine au fil des âges qui y était exposée. Et ça ne m'a jamais quitté. Mon Noam est passionné de botanique et découvre, à chaque époque qu'il traverse, comment on soigne l'homme, comment on le guérit. Ce la me permet de me plonger dans la littérature des plantes médicinales, et rien ne peut me faire plus plaisir. »

Tout en s'émerveillant de la nuit claire qui vient de tomber sur les vestiges de Memphis, Schmitt s'arrête devant le colosse de Ramsès II. Une sculpture couchée de 1 mètre  de long taillée dans le calcaire et retrouvée intacte en 1820, près de la porte du temple de Ptah par l'Italien Giovanni Battista Caviglia. «Je ne fais pas de bruit, car on a toujours peur de déranger le repos, n'est-ce pas? C'est comme avec les momies. Je suis un peu gêné de regarder, car, au fond, ces Égyptiens n'ont pas réclamé de voir défiler des touristes dans un musée toute la journée. Et puis, finalement, c'est humain, ma curiosité finit par l'emporter. »Il éclate d'un rire espiègle, qui laisse transparaître tout l'hédonisme du personnage. Comme son Noam, Schmitt a soif de savoir et de bonnes choses. Candide? Non, il a bien conscience que tout ne tourne pas rond.Le Noam contemporain que l'on croise dans le livre, grâce à quelques allers-retours dans le temps, tire d'ailleurs la sonnette d'alarme au côté de Bretta, un sosie de Greta Thunberg: «L’occupation humaine de la Terre vire au désastre, ses industries polluent, son train de vie épuise les énergies fossiles, son empreinte carbone réchauffe l'atmosphère [.]et, cependant, rien ne bouge: sitôt perçues, ces données se rangent dans un coin de l'esprit, une poche de savoir qui ne bouleverse pas le quotidien, comme s'il manquait une liaison entre les connaissances et les comportements.» Mais Schmitt est un grand optimiste. Il a foi en la technologie, comme autre fois les prêtres de Memphis avaient foi en Osiris. L'Égypte inventa l'éternité, la Silicon Valley échafaudera le transhumanisme.

Rêve. La nuit est tombée sur l'ancienne capitale et, subitement, l'on se questionne sur le sens de ce titre, Soleil sombre. «L'Égypte est un oxymore. C'est une pensée d'avant les distinctions et les catégorisations de la philosophie grecque et de la pensée judéo-chrétienne. Il n’y a pas de frontière entre l'homme et l'animal, le divin et le minéral, le naturel et le surnaturel, la présence et l'absence, le sens et l'indéchiffrable. Les Égyptiens avaient à cœur de comprendre l'incompréhensible, et leur façon de déchiffrer le mystère consistait à narrer des histoires. »Narrer des histoires, voilà ce qui obsède Schmitt depuis toujours. L'enfant qui visitait la faculté de médecine de Lyon agrandi, mais son âme est restée intacte. Et qu'est-ce que La Traversée des temps. sinon un rêve de gosse? Un sursis au jeu d’enfant qui consiste à invoquer une époque et à s’y recréer un monde? Mais comme tout jeu, il faut savoir s’arrêter. Sortir d’Egypte, c’est le titre du dernier chapitre de l'ouvrage. Schmitt a déjà la tête ailleurs. En Grèce, où nous retrouverons Noam. Mais aussi en Terre sainte, où le Vatican lui a proposé de séjourner pour livrer un journal de bord, récit intime de son périple. Dans quelques jours, il sera reçu parle pape. Encore un rêve d'enfant qui se réalise.

VICTORIA GAIRIN

Paris Match - « Eric-Emmanuel Schmitt contemple la pyramide des âges »

Eric-Emmanuel Schmitt a l’habitude de traiter le passé avec une certaine désinvolture. “L’Evangile selon Pilate” rajeunissait spectaculairement le Nouveau Testament. Dans “La part de l’autre”, il faisait du jeune Hitler un candidat radieux aux Beaux-Arts de Vienne. À la manière d’Alexandre Dumas, Schmitt glisse à travers nos souvenirs avec l’aisance d’un serpent dans l’herbe. Cette fois-ci, Noam et Noura, ses héros devenus immortels après avoir frappés par la foudre, se retrouvent à la cour de Meri-Oser-Rê. Avec eux, on s’invite dans le lit de sa fille Néphron, on arpente les rues de sa capitale, Memphis, on pénètre dans la maison de l’éternité où sont traitées les dépouilles mortelles… L’occasion d’aller au Caire pour poser quelques questions à cet érudit iconoclaste et souriant.

Paris Match. Le goût de l'Histoire est-il une vocation lointaine?

Éric-Emmanuel Schmitt. Au départ, ma passion allait plutôt vers la philosophie. J'ai fait Normale sup, ai eu Derrida pour professeur et ai consacré ma thèse à Diderot et la métaphysique. Mais l'Histoire est un merveilleux support de réflexion philosophique. J'ai toujours voulu raconter les moments charnières de l'humanité. Aujourd'hui, je me livre enfin à ma passion encyclopédique. J'aime le savoir non hiérarchisé. Savoir presser le vin est aussi important que connaître Aristote je reste l'élève de Diderot.

La surprise du livre, ce sont les passages d'anticipation avec un sosie de Greta Thunberg…

Victime d'un attentat qui le plonge dans le coma, le personnage inspiré d'elle est emmené pour être sauvé en Californie dans une de ces cliniques transhumanistes qui rêvent de nous rendre immortels. Cette folie est très proche de l'obsession de l'Égypte, le pays des momies, qui prenait notre décès pour la porte d'entrée d'une autre vie.

N'avez-vous pas peur de la réaction des historiens officiels?

J'ai pensé à cette série de livres dès l'âge 25 ans. Et, en effet, les regard des historiens m’a intimidé. Mais les commentaires des spécialistes de la Mésopotamie à la sortie du deuxième tome de la série m’ont rassuré. Et j’ai pris la précaution de choisir un pharaon, Meri-Oser-Rê, sur lequel on est peu documenté. Cela me laissait plus de liberté. En plus, il est contemporain de l’explosion de Santorin dont les conséquences écologiques dramatiques ont pu expliquer la période tragique des dix plaies d’Egypte qui sont un des ressorts du livre.

Vous traitez aussi la Bible avec une insouciance amusante. Tout le monde ne reconnaîtra pas le Moïse connu!

L’histoire des Hébreux fuyant l’Egypte n’est pas celle d’un peuple d’esclaves s’échappant de l’enfer, mais celle de l’exode de milliers de pauvres, juifs et non-juifs, s’arrachant à la servitude. Moïse n’est d’ailleurs pas un nom juif mais égyptien. Thoutmôsis signifie “fils de Moïse”. Pour magnifier la légende du peuple élu, on a un peu “déségypsianisé” le destin de son fondateur.

Pourquoi cette fascinante Egypte, tellement en avance sur le reste du monde, a-t-elle été rayée de la carte par les perses, les Grecs ou les romains?

Il est étrange, en effet, qu’une civilisation vieille de trois mille ans, plus longue que le christianisme, ait ainsi disparu. Ils sont morts par manque d’adaptation et d’évolution. Pour eux, rien n’était linéaire.On n’anançait pas à coups d’innovation. Il n’y a d’ailleurs pas de mot égyptien pour dire “invention”. Ils pensaient que le temps était circulaire tout fonctionnait par cycles, l’agriculture comme la foi ou la politique. L’Egypte marchait à reculons, tournée vers son passé. Un pharaon était parfait quand il reproduisait ce qui avait réussi avant lui. On ne validait le présent que par le passé.

Ce livre vous a-t-il demandé beaucoup de travail?

Je suis un gros bosseur. Quand je m’y mets, je travaille de 8 heures du matin jusqu’au dîner, pendant huit à neuf mois. Au départ, seul le plan est clair dans mon esprit. Ensuite, pour la documentation, je me rapporte aux sites des universités américaines, à celui de la BNF… Quand je pense à mes recherches au début de ma carrière! La Bibliothèque nationale, sa splendeur et sa lenteur... On pourrait dresser des autels à Internet. Quand i'ai besoin de me détendre, je pioche dans mes auteurs adorés, Colette, Maupassant, Diderot...

En plus vous êtes membre du jury Goncourt, une tâche épuisante si on en juge par les membres qui démissionnent...

Je pourrais souscrire à tous les termes de la lettre que nous a envoyée Virginie Despentes en nous quittant. L'été se passe à lire les romans de la rentrée. Puis il y a les Goncourt de la biographie, du premier roman, de la poésie... Sans oublier que je suis le resposable de celui de la nouvelle. Parfois, c'est trop lourd.

Sans non plus compter le théâtre Rive Gauche, rue de la Gaîté, que vous possédez et dirigez.

Je l’ai acheté sur un coup de tête quand tous les théâtres de Paris on refusé mon adaptation du “Journal d’Anne Frank”, non sans m'ensevelir sous leurs compliments. Alors même que Francis Huster voulait jouer le rôle d'Otto Frank. Depuis, j'ai découvert que c'était la façon la plus élégante de me ruiner. Mais quel plaisir !

Albin Michel annonce que la série va continuer. Où ira-t-on après avoir quitté l'Égypte? 

En Grèce, naturellement. Au IVe siècle av. J.-C., Platon jouera son rôle. Et le théâtre sera au premier plan. C'est l'heure merveilleuse de son invention et je le mettrai en scène tel qu'il se représentait à l'époque, plus proche d'une folie à la Ariane Mnouchkine que de la gravité d'un Laurent Terzieff.

À la dernière page du livre, les deux héros se retrouvent enfermés dans une tombe royale. La suite est un peu compromise, non?

Heureusement, il y a toujours eu des pilleurs de tombes.

Gilles Martin-Chauffier

Livre Hebdo - « Sur la route de Memphis »

ERIC-EMMANUEL SCHMITT est un écrivain préoccupé par l’histoire, quelles que soient les époques. Son oeuvre en témoigne à l’envi. Ici, il réalise concrètement un projet qui “l’anime depuis trente ans”, explique son éditeur: retracer rien moins que l’aventure de l’humanité, à travers des moment marquants de son évolution, de la fin du Néolithique jusqu’à l’ère industrielle. De façon à la fois romanesque et extrêmement documentée, en huit volumes, qu’il publie à un rythme de forçat. Deux en 2021, Paradis perdus et La porte du ciel, et maintenant Soleil sombre, avec quoi on arrive à l’Egypte des pharaons.

Mais il ne s’agit pas de simples romans historiques, l’auteur se permettant de télescoper les époques. Ainsi, entre chaque partie, un intermezzo nous ramène dans notre inquiétant présent: à Stockholm, des terroristes survivalistes ont décidé de supprimer la jeune Britta Thorsen, 15 ans, l’égérie de l’écologie mondialisée. Elle est la fille de Noura, réincarnation de la déesse Isis, et du beau Sven, un écolo local. Et c’est Noam qui raconte l’histoire, lui-même avatar d’Osiris, frère et amoureux fou de sa soeur Isis/Noura. Percutée par un motard, Britta a sombré dans un coma profond. Les siens vont tout faire pour qu’elle survive.

Derrière tout cela, se cache Derek, alias Seth, le dieu du mal, frère et assassin d’Osiris, représenté sous l’apparence d’un chien. Noam, revenu au temps des pharaons, vit à Memphis, gigolo tarifé de Néférou, la fille amante de Mari-Ouser-Rê, à qui elle doit succéder une fois mariée à son frère Souser (qu’elle déteste). C’est elle qui recueille et élève le bébé Moïse, fils d’Hébreux. Impossible de résumer toutes les péripéties qui conduiront les deux héros, Noam et Noura, au coeur d’une pyramide…

Tout cela est embrouillé à souhait, documenté et intelligent: par exemple, il faut lire toutes les notes, en petits caractères et parfois longues, qui précisent un point d’histoire, ou simplement apportent en complément le grain de sel de l’auteur. Ce qu’il y a d’épatant, dans le roman, c’est qu’on peut tout s’y permettre. Par exemple, dans le prochain volume, la quatrième, de se retrouver en Grèce au IVè siècle avant Jésus-Christ. Lequel arrivera au tome cinq.

 

 

 

Jean-Claude Perrier

La Croix - « Chroniqueur de l’histoire humaine »

Au pied des pyramides de Gizeh, Éric- Emmanuel Schmitt est comme figé. Dans son élégant costume bleu, il est ailleurs. Méditatif, il contemple la splendeur d’une civilisation perdue et profondément inscrite dans l’histoire humaine, cette époque égyptienne qu’il restitue dans son dernier livre. 

Soleil sombre est le troisième tome du grand chantier inauguré en 2021 avec Paradis perdus, qui évoquait le néolithique, puis La Porte du ciel s’ouvrant sur Babel et la Mésopotamie. Raconter l’histoire des hommes, des chasseurs- cueilleurs jusqu’aux révolutions contemporaines en huit tomes et quelque 5 000 pages, c’est le défi que l’écrivain s’est lancé avec cette saga de l’humanité. « J’en avais envie depuis longtemps », confie-t-il. 

Dans cette épopée, le héros Noam est immortel. Traversant les époques, il raconte le monde. Dans l’épisode égyptien, qui paraît alors que nous célébrons le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes et le centenaire de la découverte du tombeau de Toutankhamon, il fallait choisir un temps dans une histoire riche de 3 000 ans. Entre les pyramides de l’âge d’or et la Vallée des Rois, le romancier s’est arrêté en 1 600 av. J.-C. Parce qu’il ne reste rien, aujourd’hui, de Memphis, la première capitale. 

« Le roman, c’est le contraire de la ruine. Il fait revivre sous nos yeux ce qui a disparu. » Pour cela, il faut rassembler de quoi bâtir l’histoire : c’est la phase documentaire qu’Éric-Emmanuel Schmitt ne laisse à personne d’autre, tant il aime chercher, surfer, créer des passerelles entre les époques et les idées. De l’Égypte ancienne, il retient cette pensée où tout est lié, vie et mort, ici et au-delà, hommes et bêtes, féminin et masculin. Le normalien agrégé de philosophie n’est jamais loin du narrateur qui décrit le quotidien de l’existence, suit les embaumeurs, réinvente les décoctions qui soignent les corps et les âmes. « Si je n’avais pas écrit, j’aurais été médecin », confie ce bourreau de travail. 

Fils de deux sportifs – sa mère, Jeannine Trolliet, championne de France sur 120 mètres en 1945, son père, champion de France de boxe –, Éric-Emmanuel Schmitt est un coureur de fond de l’écriture. « Ce qui impressionne, c’est cette voracité littéraire qui lui a fait développer une œuvre totalement protéiforme », remarque Gilles Haeri, directeur général des éditions Albin Michel. Romans philosophiques, récits intimes, nouvelles, théâtre... Il peut être aussi sur scène pour jouer Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, en région ou au Rive-Gauche, théâtre parisien de 450 places dont il est propriétaire 

depuis une dizaine d’années. « Un rêve d’enfant », confie l’artiste à qui tout semble réussir. 

Au point d’agacer, parfois : c’est la rançon d’un succès qui ne se dément pas depuis le procès de Don Juan dans La Nuit de Valognes, une pièce écrite en 1991, et le grand succès du Visiteur (1993). En 2000, L’Évangile selon Pilate ouvre la voie au roman, tandis que Le Cycle de l’invisible – avec Oscar et la Dame Rose (2002) ou encore Le Sumo qui ne voulait pas grossir (2009) aborde les grandes traditions religieuses sous forme de huit contes philosophiques. La biographie impressionne. L’ancien prof de lycée à Cherbourg est aujourd’hui un des auteurs francophones contemporains les plus lus et joués au monde... 

Nez de boxeur et cheveux blanchis, l’homme à la voix posée ne se départit pas d’une présence affable. « Éric-Emmanuel est quelqu’un de profondément joyeux. Il est d’une parfaite courtoisie avec tous et d’un grand professionnalisme », poursuit Gilles Haeri. Membre de l’Académie Goncourt et condamné à lire des dizaines de livres toute l’année, croyez-vous que le scribe des temps ait encore quelque liberté ? Son agenda de ministre des lettres est géré à l’heure près, lui permet- tant d’ajouter encore récemment un pèlerinage en Terre sainte. À la demande de Lorenzo Fazzini, directeur de la Librairie vaticane, Éric-Emmanuel Schmitt est en train d’écrire un Journal de pèlerinage à Jérusalem. Il a confié ses impressions au pape François qui l’a reçu lundi au Vatican. 

Pour ce nouveau projet, Éric- Emmanuel Schmitt a pèleriné, mais aussi séjourné une semaine à l’École biblique, tout comme Régis Debray il y a une vingtaine d’années. « Éric-Emmanuel Schmitt a partagé notre quotidien, confie le frère Jean-Jacques Pérennès, directeur de l’école. C’est un artiste très sensible, il vibre au contexte, aux gens, aux lieux, et il est d’une extrême gentillesse. » Dans l’immeuble séculaire, porte de Damas, l’écrivain a raconté aux dominicains sa révélation dans le désert. À 28 ans, perdu de nuit dans l’immensité du Hoggar, l’écrivain sent la présence de Dieu et puise dans l’événement une inépuisable source : « Incendié, je m’approche d’une présence. Plus j’avance, moins je doute. Plus j’avance, moins je questionne. Plus j’avance, plus l’évidence s’impose. Tout a un sens. » 

 

Son inspiration. La quête encyclopédique 

 

« Ce qui me rend heureux dans ce projet, c’est que je peux enfin me livrer à ma passion encyclopédique. J’ai fait ma thèse sur Diderot ! Avec cette saga de La Traversée des temps, je raconte l’histoire de l’histoire. La quête encyclopédique, c’est un savoir sans hiérarchie. Il est aussi important de savoir comment on fait du pain dans l’Égypte ancienne que de connaître la métaphysique d’Aristote. Mona Ozouf dit que “le roman historique, c’est l’histoire devenue domestique”. J’ai toujours eu peur de lancer ce projet, me disant que le jour où je commencerais, je serais condamné à finir : en fait, chaque tome me renouvelle, j’ai le même appétit, la même joie. » 

Christophe Henning

Sud-Ouest - « avec « Soleil sombre », Éric-Emmanuel Schmitt signe un tableau éblouissant de l'Égypte ancienne »

Le troisième opus de l'octalogie « La Traversée des temps » se déroule dans le mitan des trois millénaires de l'Égypte antique
Cette « Traversée des temps », huit volumes, 5 000 pages, É ric-Emmanuel Schmitt la mijote depuis des décennies. Un projet ambitieux, historique et philosophique, puisque son propos, hors cette plongée dans les civilisations qui nous ont précédés, est aussi de voir comment...
Cette « Traversée des temps », huit volumes, 5 000 pages, É ric-Emmanuel Schmitt la mijote depuis des décennies. Un projet ambitieux, historique et philosophique, puisque son propos, hors cette plongée dans les civilisations qui nous ont précédés, est aussi de voir comment elles ont contribué à nous façonner, comment « tout est extrêmement lié », pour reprendre une expression de Montesquieu, esprit des Lumières comme les aime l'auteur de « Oscar et la Dame rose »
Après le Déluge et la révolution néolithique (Paradis perdus), la Mésopotamie et la construction de la tour de Babel (La Porte du ciel), ce « Soleil sombre » invite au voyage du côté de Memphis, opulente cité des bords du Nil. Schmitt relève les pylônes décapités, reconstruit les demeures et les temples, redonne vie aux artisans, aux scribes, aux serviteurs et aux notables. La ville grouille de vie, et les deux héros, Noam et Noura, deux immortels en compagnie de qui se fait cette « Traversée du temps », se fondent dans cette fascinante civilisation, la plus longue. Trois millénaires.
Roman encyclopédique
Dans ce roman encyclopédique, enrichi de notes abondantes, l'habileté rhétorique de Schmitt procède aussi de son appétence pour le savoir et le ressenti. S'il parle de parfums, il en a humé les arômes, s'il parle d'onguents, il a fouillé leur subsistance dans les remèdes d'aujourd'hui. Il y a de la gourmandise dans cette exploration de tout.
La civilisation égyptienne apparaît ici dans ses paradoxes, ses intrications, tout ce qui, à nous, paraît insaisissable. La divination de la lignée, qui doit tenir d'un seul sang, et explique pourquoi les pères épousent leurs filles ; la maison, demeure des morts et des vivants qui sont du même monde visible et invisible ; l'indistinction du sexe, qui met les femmes sur le trône...
Après avoir dessiné le fond du tableau, Schmitt en arrive à Moïse qui, s'éloignant de ce monde foisonnant, va devenir la souche d'une autre pensée qui engendrera le monothéisme.
« Soleil sombre », d'Éric-Emmanuel Schmitt, éd. Albin Michel, 576 p., 22, 90 €.

Isabelle de Montvert-Chaussy

Le Figaro Magazine - « Une plante médicinale pour le lecteur. Bravo ! »

Et de trois ! Après le néolithique des peuples lacustres (Paradis perdus) et la Mésopotamie des Babyloniens et des bâtisseurs de tours de Babel (La Porte du ciel), Éric-Emmanuel Schmitt campe le troisième tome de son grand récit de l'humanité sur les rives du Nil. Dans Soleil sombre, Noam l'immortel se lance à la découverte de Memphis, alors capitale des deux royaumes d'Égypte. Il cherche Noura, son amoureuse, immortelle comme lui, dont il a perdu la trace sur les chemins de Babylone, l'épisode précédent. Et bien sûr, il lui faut à nouveau comprendre cette nouvelle civilisation à laquelle il s'éveille et percer l'âme égyptienne, « ce mélange d'imagination et de science, de fantaisie et de rigueur ».

Des maisons de plaisir à la Maison des morts, des quartiers hébreux au palais du pharaon, tour à tour scribe, amant, embaumeur, guérisseur, Noam infiltre la société et insuffle de suspense ces temps évanouis. Schmitt n'a pas son pareil pour oser une nouvelle forme épique, entre le roman-feuilleton et la méditation philosophique. Dans cette fresque humaniste et érudite où la luxure et le savoir, l'exotisme et l'optimisme de la conquête, et l'angoisse du temps qui dévaste tout forment une fugue musicale pour le divertissement du lecteur. Cette histoire de l'humanité est une plante médicinale pour le lecteur lassé de l'autofiction et du roman misérabiliste. Schmitt nous fait croire à l'immortalité de ses héros. Bravo !

 

CHARLES JAIGU

Le Berry - « Brillant ! »

Soleil sombre d'Eric-Emmanuel Schmitt. On l'attendait ce 3 e tome de La Traversée des Temps, projet fou d'Eric-Emmanuel Schmitt de raconter l'Histoire de l'humanité en 8 volumes. Avec l'Antiquité Égyptienne, période de Soleil sombre, cet érudit et grand romancier à la plume alerte et hypersensible, donne sa pleine mesure. On retrouve les immortels des tomes I et II, Noam, Noura et Derek. Le roman, très enseignant sur l'Égypte antique, est une fresque qui emporte. Ici, l'auteur met l'accent sur l'amour, dont il présente une multitude de délicieuses déclinaisons. Ses autres grands thèmes sont la mort et la naissance des religions. Il interpelle aussi sur notre actualité. Brillant ! 

Dimanche (Belgique) - « Sphinx plutôt que pyramide. »

Né au Mésolithique, Noam ouvre une troisième fois les yeux. Cette fois, c’est à Memphis, sur les bords du Nil qu'il va découvrir, apprendre et nous partager cette étape de notre Histoire.

Lové dans le sphinx de calcite - symbole qui allia force, intelligence et douceur - Noam recharge ses batteries, intrigué par une

fillette et la chatte Tii. Il découvre les hiéroglyphes, les avancées de la médecine, les rites funéraires et surtout, il fait des rencontres.

Avec la douce Meret, il réalise l'accomplissement d'un amour infini, à l'opposé de la volupté pur plaisir. Elle L'assiste dans son travail de médecin et le conduit vers les miséreux, les Hébreux. Ensemble, ils apportent à la fille de Pharaon, un bébé - Moïse.

Moïse et Aaron, deux visions d'un Dieu unique. Le premier s'abaissant devant Son amour infini, Le second l'intégrant dans son discours.

Ses retrouvailles avec Derek seront inattendues et touchantes. Noura reste Celle que Noam cherche et cherchera encore.

Avec Tibor devenu Imotep, il apprend l'existence de l’âme. Des rites et pratiques funéraires d'alors sont comme un écho des événements du XXI siècle où Eternity Labs tente de sauver la fille de Noura avec des moyens signes du trans-humanisme

La pyramide, à l'image de la société égyptienne. sous-tend une structure qui bénéficie à celles et ceux qui y ont une place. Construction, elle veut magnifier la grandeur d'un seul homme, bâtie par le labeur de celles et ceux qui n’existent pas.

Monument, elle règne presqu'immobile tels les 3000 ans de civilisation égyptienne.

Un voyage en Egypte qui diffère avec intelligence et érudition - vaut le détour!

 

 

Geneviève IWEINS

Publications

  • En langue bulgare, publié par Le ge Artis
  • En langue française, publié par Albin Michel
  • En langue polonaise, publié par ZNAK.
  • En langue roumaine, publié par Humanitas Fiction
  • En langue russe, publié par Azbooka