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Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus.

Résumé

Sixième volet du Cycle de l’invisible.

Sortie le 5 avril 2012.

Madame Ming aime parler de ses dix enfants vivant dans divers lieux de l’immense Chine. Fabule-t-elle, au pays de l’enfant unique ? A-t-elle contourné la loi ?
Aurait-elle sombré dans une folie douce ? Et si cette progéniture n’était pas imaginaire ?
L’incroyable secret de madame Ming rejoint celui de la Chine d’hier et d’aujourd’hui, éclairé par la sagesse immémoriale de Confucius.
Dans la veine d’Oscar et la dame rose, de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran ou de L’Enfant de Noé, Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus est le sixième récit du Cycle de l’invisible.

Critiques

Lire - « Grand Hôtel »

Le Figaro littéraire - « La cinoque et le cynique »

Le Mediateaseur.fr - « Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus. »

Sud Ouest - « Le discernement de la dame pipi »

L'Express - « Eric-Emmanuel Schmitt va chercher l'amour en Chine »

Carrefour savoirs - « Eric-Emmanuel Schmitt: un homme et des dieux. »

Le Parisien - « Une nouvelle fable pour l'auteur. »

La Denière Heure (Belgique) - « Le mensonge est artiste, pas faussaire »

Le Soir (Belgique) - « Je me méfie de l’illusion de savoir. »

Le Matin Dimanche (Suisse) - « Voyage poétique au pays de Confucius »

Le Journal de Québec (Canada) - « De dame pipi à héroïne »

Bsc News Magazine - « Madame Ming, une pythie qui allume la lumière »

Le Républicain Lorrain - « La dame-pipi adepte de Confucius »

La Tribune de la vente - « L'éclairage de Confucius »

Publications

  • En langue allemande, chez Fischer Verlag
  • En langue bulgare, chez Lege Artis
  • En langue coréenne, édité pat les éditions Yolimwon
  • En langue française, édité chez Albin Michel et en livre de Poche
  • En langue italienne, publié par e/o
  • En langue polonaise, publié par les éditions Znak
  • En langue tchèque, publié par les éditions Motto
  • En langue turque, publie par Dogan Egmont

Interview

Eric-Emmanuel Schmitt poursuit son «Cycle de l’invisible» avec Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus, une fable autour de Confucius.

Monsieur le directeur de théâtre: Eric-Emmanuel Schmitt rayonne, fier de son nouveau bébé, le théâtre Rive Gauche, sis rue de la Gaîté dans le quartier de Montparnasse et dont il est l’heureux nouveau propriétaire. Dans quinze jours, Francis Lalanne sera son Monsieur Ibrahim pour une reprise de ce qui est désormais une des pièces contemporaines les plus montées dans le monde. Et lui-même, pour remplacer son ami Francis en concert, montera sur scène à neuf reprises ce printemps. Un rêve de toujours, posséder un théâtre, qui se concrétise. Et un rôle de plus pour le romancier, dramaturge, réalisateur et essayiste franco-belge, 52 ans tout juste, traduit en 43 langues. En librairie, c’est son Cycle de l’invisible, cinq récits sur l’enfance et la spiritualité – Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame rose, L’enfant de Noé et Le sumo qui ne pouvait pas grossir – qui s’enrichit d’un nouveau volet. Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus, fable subtile et émouvante dont l’héroïne, dame pipi au sous-sol d’un grand hôtel, raconte à un Occidental de passage la vie de ses enfants dont on ne sait s’ils sont réels ou imaginaires, prouve une nouvelle fois son talent de passeur et de conteur hors norme.

A travers l’histoire de madame Ming et de ses dix enfants, c’est le confucianisme que vous abordez. Confucius serait donc pertinent en 2012?
J’ai d’abord voulu raconter la tragédie d’une mère chinoise qui ne peut avoir qu’un enfant, et qui pour survivre à cette tragédie invente la vie des enfants que son pays lui interdit de mettre au monde. C’est une histoire folle dont j’ai trouvé la sagesse dans Confucius, qui nous propose une riche morale familiale. C’est une manière de tenter de décrypter le mystère chinois: depuis deux mille six cents ans, ni les variations politiques, ni le passage à l’économie de marché, ni aucun avatar historique n’enlèvent à ce pays le socle de confucianisme qui habite l’âme chinoise. C’est un peuple qui a admis sa pérennité dans l’invisible plutôt que dans le visible. Nous avons des cathédrales au milieu de nos villes, mais le christianisme s’est éloigné. Nous avons des amphithéâtres romains à ciel ouvert, mais l’esprit qui animait leur fonctionnement est très loin. Dans la civilisation chinoise, quasi rien ne reste de pierre mais l’esprit subsiste, car il passe du vivant au vivant.

Ce livre ajoute un sixième chapitre à votre «Cycle de l’invisible», entamé avec Milarepa en 1997. Une démarche qui répond à un plan initial?
Pas du tout! L’idée de ce cycle est d’ailleurs née en Suisse. Un journaliste qui m’interviewait sur Milarepa, dont la version scénique était créée au Théâtre de Vidy-Lausanne, a été très surpris d’apprendre que je n’étais pas bouddhiste tout en écrivant un récit sur le bouddhisme. Comme s’il fallait être Noir pour être antiraciste! J’ai pensé que c’était justement cela qui était intéressant et méritait d’être poursuivi: que je puisse parler avec considération d’une spiritualité qui n’est pas la mienne, sans que ce soit ni du prosélytisme ni de la critique. Du coup, cette démarche est devenue une vaste enquête sur les trésors de l’invisible que sont les spiritualités, soit la manière dont les hommes donnent du sens à la vie, comment l’invisible met de l’ordre dans le visible. J’ai commencé par aborder les religions – christianisme, islam, judaïsme – puis la spiritualité avec le bouddhisme zen et le bouddhisme tibétain. Madame Ming renouvelle le cycle puisqu’il plonge cette fois dans une sagesse, une philosophie du monde.

Quel travail d’écrivain se cache derrière chacune de ces fables brèves?
Ces petits textes, ces fables morales qui ne sont pas moralisantes, demandent un travail infini. Je les polis sans cesse pour arriver à l’essentiel. Chacune d’elles me prend des années, le temps que ce savoir devienne un territoire intime. J’ai absorbé le confucianisme depuis si longtemps que c’est en partie devenu du Schmitt. Une fois que la matière est prête à être régurgitée, je rédige en quelques semaines, en faisant attention à ce que le travail cache le travail, que l’art cache l’art. Un travail minutieux que j’adore: mon grand-père était artisan sertisseur. Je le voyais passer des heures à faire quelque chose que personne d’autre ne remarquerait. J’ai en tête un livre sur l’animisme africain, une des choses les plus difficiles à concevoir pour nous Européens. Cela fait quinze ans que je me bats pour en imprégner les fibres de mon esprit, de mon cœur. Et un jour, cela fera un petit texte de 50 pages. Pareil avec la mythologie gréco-latine: ce polythéisme n’existe plus, c’est un rayonnage avec des statues, mais c’est quelque chose que je comprends intimement et que je partagerai.

Chacun de vos livres ne contribue-t-il pas au grand souk contemporain en matière de spiritualité, chacun se servant comme dans un supermarché sans pour autant trouver le bonheur?
C’est le propre de l’époque moderne que de disposer de davantage de liberté dans la recherche des réponses aux questions existentielles que nous nous posons. Cette liberté peut mener certains au désarroi. Pour moi, c’est l’inverse: je suis émerveillé par les humains et leur invention spirituelle et philosophique. J’ai l’impression de découvrir des trésors, plutôt que de trébucher parce que je m’éloignerais de mes croyances de base. Et tout n’est pas si inconnu: la recherche du juste milieu de Confucius est aussi inscrite dans notre culture puisque à la même époque, dans le bassin méditerranéen, Aristote arrivait aux mêmes conclusions, prônait la même volonté de s’en sortir sans transcendance, développait une théorie politique indépendante de l’autorité religieuse. Je cherche la gangue universelle qu’il y a sous la diversité, ce qui est reconnaissable comme sagesse dans n’importe quelle culture et par n’importe quelle culture.

Du coup, toutes les spiritualités se valent-elles à vos yeux?
Non, ce qui se vaut, c’est la recherche de la sagesse. Ce que j’admire dans chaque civilisation, c’est l’effort pour en finir avec l’égoïsme, pour aller au-devant de l’autre et vivre en harmonie avec lui, l’effort pour s’arracher au malheur. Nous sommes tous frères en questions. Nos réponses nous singularisent, nous opposent parfois, mais c’est pour cela qu’il m’importe de toujours remonter à la question. Après, pour moi en tant qu’homme, les réponses ne pèsent pas toutes le même poids. J’ai toujours affirmé avec simplicité que le christianisme était ma maison, me nourrissait, et réglait une partie de ma vie.

Situation paradoxale: les lecteurs de votre «Cycle de l’invisible» cherchent des réponses et vous leur offrez toujours plus de questions...
Apprendre à vivre avec des questions qui n’auront jamais que des réponses provisoires est mon message récurrent. C’est cela, la philosophie: affûter son art de la question et savoir vivre avec la multiplicité de réponses possibles. J’ai tout fait pour ne pas être ignorant. Mais je n’ai obtenu des réponses qu’aux questions inintéressantes que je me posais – «Où est mon téléphone?», «Que mange-t-on ce soir?». Sur le sens de la vie et de la mort, je n’ai pas obtenu de réponses. Il faut accepter de vivre sur le mode du peut-être et ne pas le vivre avec douleur. Car ce doute peut mener à l’angoisse, au suicide, ou à une autre forme de mort cérébrale qui est le fanatisme, soit une terrible surcompensation du doute.

Une position très loin du rôle de gourou que l’on a parfois voulu vous faire jouer...
J’ai refusé tous les positionnements de gourou dans lesquels on a voulu me mettre. Je ne suis pas de ceux qui aiment que leur réponse soit contagieuse. Les rencontres littéraires se transforment facilement en café-philo avec moi parce que les gens me posent des questions spirituelles, mais je réponds avec l’honnêteté du philosophe que je suis, à savoir que la vérité est inaccessible.

Quelles sont les réponses provisoires intéressantes que vous trouvez chez Confucius via votre héroïne madame Ming?
Une forme d’apologie de la résistance, d’abord, comme l’herbe qui plie sous la tempête mais se redresse dès que possible. Ce qu’un Occidental peut voir comme de la lâcheté, de l’hypocrisie, est une dignité qui prend son temps, qui accepte l’humiliation provisoire. Et puis le fait que l’entente soit plus importante que la vérité: le vivre ensemble est plus important que la connaissance de la vérité, et la vertu n’est pas le vrai mais le bon. Ce qui va à l’encontre de la dictature de la transparence dans laquelle, sous l’influence du monde anglo-saxon, nous vivons. Enfin, ce souci du juste milieu me touche beaucoup. Ne pas confondre vengeance et justice, lutter contre la démesure et l’orgueil.

Avez-vous l’impression, au fil de votre vie et de vos livres, de devenir vous-même plus sage?
Comme tout homme, j’essaie de devenir plus sage. Parfois je pense y arriver, mais peut-être n’est-ce qu’une illusion de plus! Je n’en sais pas plus que les autres mais en tant que philosophe et écrivain, j’ai plus de temps à consacrer aux questions que je me pose et pour examiner les réponses des autres, avant de transmettre à mon tour tout cela.

Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus. D’Eric-Emmanuel Schmitt. Albin Michel, 116 p.

Interview accordée à Isabelle Falconnier pour L'Hebdo.